Peut-on exister sans rien proposer de neuf?

Relancer la saga Transformers après ses cinq films avait tout du forcing habituel organisé par des producteurs toujours plus avides de recettes; virer Michael Bay n'étant pas une mauvaise idée, l'arrivée de Travis Knight, réalisateur habitué de la narration fraîche de ses dessins animés, qui se charge ici de son premier film live pose les bases de ce que seront les nouveaux spin-offs de la franchise : des oeuvres empreintes d'humour et de jolis sentiments proches des succès des années 80, auxquels il rend de multiples hommages plus ou moins référencés.


Dès le début, on pense à un genre de Christine de Carpenter version E.T. de Spielberg, sur fond de musique rock de l'époque qui balance sans aucune finesse des références de ralliement générationnel. Mais à force de trop titiller la fibre nostalgique de son public, Bumblebee dérange dès le début, déjà bien lourd en hommages et symbolique, et l'on sait pertinemment qu'il ne se calmera pas de sitôt.


Involontairement, il invite à réflexion : qu'est-il finalement si ce n'est un gigantesque hommage à toutes ces oeuvres qui ont fait les beaux jours de la culture geek naissante, et comment existe-il dans le paysage cinématographique actuel? C'est qu'il s'inscrit dans cette mouvance des années 2010 où l'hommage, le retour des icônes d'antan prime sur l'inventivité, la fraîcheur, le goût du neuf.


Pourquoi viser la prise de risque quand on peut s'inspirer librement des oeuvres que tout le monde connaît, et s'excuser de faire en moins bien ce qu'elles firent en largement mieux en prenant comme plaidoirie le simple fait de les citer? Autant balancer ce que les gens apprécient le plus, de mêler tout cela dans un genre de melting-pot pas original pour un sou et bourré de bons sentiments, type Le Géant de fer de Brad Bird.


Il serait bête de se fouler si cela marche ainsi, d'autant plus que le film, contrairement à des suites/remakes de franchises anciennement rentables (S.O.S Fantômes version féminin, Men in Black : International), jouit de la grande réputation de la saga Transformers, placée experte dans l'art de rassembler les foules en déprimant les critiques cinéma inquiètes pour l'avenir du cinéma de divertissement.


A cette franchise pré-existante et, pour certains, attachante, Knight apporte un vent de fraîcheur essentiel pour sa résurrection (elle s'était quand même bien perdue sur ses deux derniers films) par la légèreté de son traitement, et ce fameux duo d'acteurs principaux aux rapports mignons et, bien entendu, ultra-stéréotypé, que tient joliment bien la jeune mais déjà bien installée Hailee Steinfeld.


Nouvelle héroïne, elle a le mérite de n'être présente que dans celui-ci sans être annoncée pour les autres (cette fin démontre clairement une évolution intéressante dans le traitement de ses personnages et les rapports qu'ils entretiennent à la présence des Autobots dans leur vie), et de tenir avec charisme mais fragilité le rôle de la jeune geek de service un poil garçon manqué, que l'arrivée d'un alien dans sa vie va chambouler et, bien sûr, propulser sur le chemin du bonheur.


Toujours très clichés, ses protagonistes le demeurent moins que ses antagonistes, des Décepticons aux répliques typées et ridicules (la recherche de la punchline ultime dans les blockbusters reste, depuis des années, un problème d'écriture majeur pour la caractérisation des méchants) aux connasses populaires, êtres exécrables dont le seul but est de faire du mal en mâchant des chewing-gums avec autant de finesse et de talent qu'un acteur tertiaire d'High School Musical.


Bien sûr, cela se suit sans problème, et l'on est moins gêné de ces clichés du fait que le film s'inscrit clairement dans le paysage des séries b des années 2010 dopées aux hormones des divertissements d'il y a un peu moins de trente ans, qui n'a certes pas grand chose de neuf à proposer mais fait suffisamment bien ce qu'on lui demandait, proposant enfin des effets-spéciaux lisibles et esthétiques dans une saga pourrie par ses visuels brouillons, mal cutés, inesthétiques et fatiguants.


Largement plus posé que la participation épileptique de Bay à la saga, Bumblebee fait une transition intéressante vers une nouvelle manière de mettre en forme et de considérer l'univers des figurines Hasbro, propulsé par ses bons sentiments et l'amour qu'il porte aux oeuvres d'antan. Mais c'est paradoxalement là qu'il pèche le plus, étant donné qu'il ne pourrait exister et n'aurait pas beaucoup d'intérêt, à l'instar de nombreux autres films de sa génération, s'il n'était pas un hommage ultra-référencé aux oeuvres multi-média des années 80-90, sans ne porter aucune réflexion dessus.


Référencer bêtement n'aura jamais permis à un seul film d'exister indépendamment. Pire, même, il nous transmet le message qu'il sait pertinemment être dans l'incapacité de faire mieux, ou ne serait-ce qu'aussi bien, et que c'est en conscience de cela qu'il décide de ne pas exister comme oeuvre à part, mais bel et bien comme miroir d'un cinéma de divertissement qui n'existe plus depuis bien des années, et qu'on tente de refaire vivre par le biais d'un bouche à bouche d'insuffisant respiratoire.


Médiocre parce qu'il manque de finesse et d'ambition.

FloBerne

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