Dès le départ plongé dans le cinéma bavard de Woody Allen, on a du mal à se prendre d'empathie pour cette épouse bafouée, riche à souhait qui devient sans le sous, hébergée par sa bonne à rien de sœur. Mais c'est dans cet art que Woody Allen est fort, en retournant sciemment notre jugement dans la complexité de ses personnages. Jasmine qui au premier abord nous agace par ses manies très bourgeoises, laisse entrevoir les failles d'une désillusion. Loin de trancher dans la lutte des classes, le film puise plus profondément avec cette propension à fermer les yeux, à se bercer d'illusions où tout simplement à voir la vie en rose quand les autres la voient noire ; à l'image de Ginger, sœur bienveillante et admirative, qui fera à l'inverse de sa sœur son chemin sur la voie du bonheur simple. Comédie douce-amère, qui par la complicité du metteur en scène et de son actrice (Cate l'a quand même bien cherché son Oscar), parvient à renverser l'avis du spectateur sur cette pauvre femme qu'est Jasmine, loin de l'attraction de l'argent, qui se perd dans l'illusion du bonheur, d'une image parfaite qu'elle a du mal à dépasser.
Blue Jasmine prend alors sa dimension dramatique tout en cueillant le spectateur qui ne s'y attendait pas.