On aime ou on n'aime pas Woody Allen, mais dans ce cas-ci, il nous offre du grand art. Une bourgeoise New New-yorkaise (Jasmine) voit sa vie - jusque là fait de galas mondains et de séjours dans les Hamptons - basculer le jour où son mari est arrêté par la police. Faut d'argent, elle se voit contrainte à aller vivre chez sa sœur dans un petit appartement de San Francisco. Si le pitch de départ n'est pas très attirant, il le devient plus quand on sait que le personnage principal - joué par Cate Blanchett d'une façon sublime - est légèrement névrosée et qu'elle devient de plus en plus folle tout au long du film.

Des acteurs, parlons-en. Cate Blanchett semble être faite pour incarner ce personnage. Elegante et charismatique malgré sa situation précaire, elle garde ce petit air supérieur qu'ont les femmes New-yorkaises de haut rang. Sa prestation est à la hauteur de ses talents, déjà remarqués dans Elisabeth, et on ne peut s'empêcher d'en éprouver de la sympathie, malgré le caractère parfois insupportable de ses propos, en particulier face à sa sœur. Celle-ci n'est pas l'égale de Jasmine d'un point de vue de la réussite, mais son côté humain est plus développé. Malgré sa pauvreté, elle n'hésite pas à accueillir sa sœur à bras ouverts. Le duo fonctionne parfaitement à l'écran, et le rapport de force qui s'établit entre les deux n'est ni surfait, ni trop faible. Alec Baldwin, enfin, qui joue le mari de Cate Blanchett, tient une interprétation superbe d'homme d'affaire ayant réussi dans la vie. Son jeu n'est pas sans nous rappeler celui qu'il tenait dans le film Pas Si Simple, avec Meryl Streep : arrogant, sûr de lui, suffisant, mais charmant et d'une certaine façon envoûtant.

L'ambiance du film est le point fort de ce film. Flottant entre souvenirs de sa vie passée et réalité cruelle de sa déchéance, on passe des éclats de rire aux scènes plus violentes - du moins verbalement. L'humour est très présent : ce n'est pas un drame déprimant mais plutôt une comédie jouant avec le drame de la situation pour en tirer un côté comique. Cependant, l'humour ne parvient pas à dissimuler complètement la déchéance progressive de Jasmine, et à la fin du film, un petit goût de tristesse est susceptible d'envahir le public le plus sensible.

Woody Allen nous montre ici que ce n'est pas parce qu'on a une vie idéale, pleine de richesses, qu'on n'est pas susceptibles un jour de tout perdre. A l'inverse, il nous montre aussi qu'une personne n'ayant pas beaucoup de moyens vaut parfois mieux que celles ayant la belle vie.
Corentinde_Cell
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le 2 oct. 2014

Modifiée

le 2 oct. 2014

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