Blue Jasmine n’a d’intérêt que pour la prestation de Cate Blanchett (prestation pour laquelle elle a d’ailleurs reçu moult récompenses). Et cette critique pourrait s’arrêter là puisque cette phrase résume à elle seule le fond de ma pensée. Sauf que voilà, un peu d’argumentation n’a jamais fait de mal à personne donc pourquoi s’en priver.
Pourquoi Blue Jasmine ne revêt pas plus d’intérêt que cela à mes yeux ? C’est une excellente question à dire vrai puisqu’il n’existe pas véritablement de réponse à celle-ci. Disons que c’est un sentiment général. Une impression personnelle qui ne sera sûrement pas partagée par la majorité.
Blue Jasmine, c’est un film qui est monté dans le désordre, avec des allers-retours incessants entre le passé et le présent, sans aucune transition. On virevolte entre la gloire et la déchéance de Jasmine en un battement de cils, les souvenirs remontant à la surface suite à un événement ou une phrase lancée par un autre protagoniste. Le souci de cette construction non linéaire c’est que la montée en puissance des émotions ne se fait pas du tout. La logique aurait voulu qu’on trouve Jeannette à l’apogée de sa gloire au début du film puis que peu à peu, on découvre les magouilles de son mari ainsi que ses aventures extraconjugales, jusqu’à son arrestation. Ainsi, le spectateur aurait pu assister à l’effondrement progressif de l’héroïne jusqu’à son internement et cette arrivée chez sa sœur, des mites plein le porte-monnaie, pour embrayer sur son présent. En tout cas, je pense qu’avec cette construction, ce film – et surtout le sort de cette femme – aurait trouvé nettement plus grâce à mes yeux.
Ensuite, Blue Jasmine poursuit son déséquilibre temporel en demeurant entre deux époques. D’un côté, on aperçoit des téléphones portables, des ordinateurs et les vêtements sont relativement modernes, ce qui implique que l’histoire se déroule à une période proche de l’actuel. Mais de l’autre, il y a cette musique désuète qui surplombe le film en permanence, ces blouses d’un autre âge au cabinet du dentiste, cet appartement arrêté dans le temps et cette ambiance vieillotte, suppléée par le jaune prédominant de la photographie, qui nous renvoient dans les années 30. Le contraste est sûrement volontaire de la part du réalisateur (après tout, Jasmine est restée figée dans son passé), mais il ne fonctionne pas sur moi.
D’autant plus que le rythme est sensiblement lent. Certes, on passe du passé au présent sans arrêt mais ce n’est pas ce qui construit le rythme d’un film. Ce sont ses actions. Et là, globalement, il ne se passe pas grand-chose. Jasmine arrive en ville, Jasmine boit, Jasmine visite San Francisco, Jasmine boit, Jasmine prend des cours d’informatique, Jasmine boit, Jasmine répond au téléphone, Jasmine boit, etc. jusqu’à la fin du film. Et entre deux atermoiements qui s’étalent, il y a ces petites saynètes de quelques secondes, trop courtes pour accrocher l’attention du spectateur et rendre le film un peu plus palpitant.
A côté de ça, les acteurs sont tous très bons et, effectivement, Cate Blanchett délivre une prestation remarquablement réaliste (elle est loin d’être séduisante lorsqu’elle revient de son périple pour aller voir son fils), mais tous ces protagonistes sont restés fades pour moi, du début à la fin. Jamais je n’ai ressenti une quelconque sympathie pour l’un, ou antipathie pour l’autre (même pas le dentiste qui l’agresse). Toutes les petites mésaventures qui leur tombent sur le coin du crâne m’ont laissée froide (le cas de Ginger aurait pu accrocher mon attention si Augie et Chili n’avaient pas été de gros beaufs).
Tout ça aboutit donc sur un film assez mou du genou, où tous ces gens qui apparaissent à l’écran vivent leur petite vie loin du spectateur, menée par une héroïne hautaine et acerbe, déconnectée des réalités et ivre les trois-quarts du temps.