Merci Woody. Voilà un thème qui se rapproche plus de tes grandes heures avec Annie Hall, Manhattan, Hannah et ses soeurs plutôt que ton tour du monde assez ennuyeux de tes derniers films, même si j'ai vraiment apprécié Midnight in Paris.
Pour ceux l'ont vu, Blue Jasmine me plonge dans mes souvenirs et nous rejette 40 ans en arrière. Blue Jasmine est un "A Woman under the Influence" le brillant film de John Cassavetes, revu au goût du jour. Une version toutefois éloignée des tourments d'une femme de la working class puisqu'on est plus dans le registre luxueux de Park Avenue mais dans l'esprit, Cate Blanchett et Gena Rowlands sont dans la même impasse.
Si il y avait bien un réalisateur qui pouvait s'aventurer sur le terrain très glissant et difficilement abordable de la femme en pleine crise de dépression nerveuse c'est forcément Woody Allen qu'il fallait, avec son oeil à la fois acéré, détaché et d'une précision toute ciselée couplé à son humour pince sans rire. Woody a toujours ce don pour le bavardage, et le personnage de Cate Blanchett ne vit que grâce à cela. Cette espèce de survie verbale qui, c'est en tout cas ce qu'elle croit, la rend tellement intéressante socialement. Le peu de prestance qu'il lui reste après un mariage parti à vau l'eau c'est son faux bagou. Une tchatcheuse parfumée de Chanel et armée de valises Louis Vuitton.
La survie par l'apparence. Mais celle qui a su si bien tourner le dos pour mieux regarder ailleurs quand son mari (joué par un impeccable Alec Baldwin) mettait ses petites combines en place ne peut rencontrer le même succès pour masquer le désarroi dans lequel elle est totalement plongée, noyée même. La fragilité d'une corde sur le point de se briser, sa descente sociale vertigineuse est inconcevable pour elle. Elle ne parvient pas à l'intégrer réellement, donc elle parle. La méthode Coué dans toute sa splendeur, elle a le toupet de dévaluer sa demi soeur adoptive chez qui elle trouve refuge. La narguant sur tout, que ce soit sa manière de vivre ainsi que ses choix d'homme qu'elle estime douteux (faut dire, la demi soeur a le don de lever de sacrés losers).
Elle est toujours à la limite, totalement désorientée, complètement déprimée mais Woody Allen sait la montrer sous toutes ses coutures. A la fois pathétique, attirante, détestable, amusante, pitoyable etc. Cate Blanchett a toujours été une actrice que j'appréciais particulièrement. Blue Jasmine met en valeur son indéniable talent et ça fait plaisir. Pour l'actrice, pour Woody aussi qui montre qu'il n'a pas perdu la main.