Le dernier film de Woody Allen ne s’arrête pas à la simple opposition sociale, riche/pauvre et tout ce que ça entraine avec comme opposition de qualificatifs, que son postulat de départ pourrait laisser entendre.
Il y a d’avantage ici, comme dans ses films précédents, un regard sur les aléas de la vie, plus ou moins terribles, que le cinéaste traite sous deux modes, en gros la rupture et la pente.
Et ces deux modes se retrouvent au niveau de la mise en scène et de la progression narrative.
Le film est ainsi construit comme une lente pente descendante, entrecoupée de cuts plus ou moins brutaux. Comme très souvent Allen laisse transparaitre des interrogations. La rupture est-elle plus ou moins douloureuse que la pente qu’elle engendre. Comment remonter cette pente. Faut-il provoquer une nouvelle rupture pour remonter la pente,… Tout ça est traité assez subtilement, jamais de façon théorique, toujours en filigrane et de façon élégante.
Le film décrit donc la pente sur laquelle avance Cate Blanchett, qui est formidable ici. Elle était riche, elle a tout perdu, elle part habiter chez sa sœur à San Francisco pour essayer de se reconstruire.
Le film est une lente plongée dans la noirceur. Il débute par une succession de plan noyés par un flow de dialogues alleniens (avion, aéroport) le personnage angoissé de Blanchett pourrait être le sien, et se clôt sur un cadre serré très sombre. Cette longue pente, de la comédie dépressive vers le drame, est sans cesse entrecoupée de flashs back, sur le passé de ce personnage. Des flashs back insérés dans l’enchainement des plans, sans fondu enchainé, entrainant une rupture de la narration du présent plus ou moins brutale. Ces ruptures, plus ou moins heureuses, sont beaucoup plus dérangeantes et mécaniques au fur et à mesure que le film avance, et polluent de plus en plus le déroulement présent. En gros, plus le passé heureux, devenant souvenir malheureux, remonte à la surface, plus le présent est contaminé et se dérègle.
Outre ces idées de mise en scène, on retrouve dans Blue Jasmine la finesse de l’écriture d’Allen, sans égaler toutefois la verve d’autrefois, la faute à quelques dialogues ou situations en deçà.
Tout ça permet au cinéaste d’éviter une certaine forme de misanthropie et de cynisme. Allen filme noir, le film est autant drôle, cruel, qu’émouvant, mais il ne condamne jamais ses personnages.
C’est pas mal du tout, donc.
Teklow13
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le 26 sept. 2013

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Teklow13

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