Jasmine est une victime collatérale de la toute puissance de l'argent. Sans le sou après avoir vécu dans une insouciante opulence, la voici qui débarque à San Francisco, chez sa demi-sœur Ginger. Ces dernières années, les meilleurs films de Woody Allen étaient ceux qui parlaient d'argent. S'il n'est pas au niveau du Rêve de Cassandre et du sublime Match point, Blue Jasmine se hisse cependant bien au-dessus des dernières production du réalisateur à lunettes.

Cate Blanchett écrase tout le monde. Tout simplement sublime, capable de changer d'expression à chaque seconde, jouant de son corps tout entier, du regard à la démarche, aussi incroyablement élégante que profondément perdue, le regard ailleurs, l'œil imbibé d'alcool, elle élève cette Jasmine au rang des grandes héroïnes de cinéma, et se place elle-même au pinacle des meilleures actrices. S'il fallait retenir une scène du film, on choisirait sans hésitation celle qui montre Jasmine raconter sa vie à ses deux neveux médusés. Le moment est incroyable et totalement absurde. Aussi drôle que dramatique, Cate Blanchett y est exceptionnelle. On se dit alors que seule Gena Rowlands aurait pu jouer avec autant de puissance, de grâce et de folie.

Allant et venant entre hier et aujourd'hui, le second éclairant le premier, l'histoire se déploie avec la précision d'une montre suisse. En orfèvre aguerri, Woody Allen parsème son récit d'informations sur le passé de Jasmine, toutes savamment distillées, jusqu'à l'ultime clé de compréhension qui éclaire tout ce qu'on a vu, et nous fait à nouveau remonter le temps. Le scénario de Blue Jasmine est un travail de haut vol, clair, net, précis.

On pourra regretter un traitement trop expéditif des seconds rôles, principalement le personnage de Ginger [le seul qui existe vraiment en dehors de Jasmine], même si chaque interprète est parfaitement à sa place, Sally Hawkins et Alec Baldwin en tête.

Tour à tour vaudeville haut de gamme et comédie noire, Blue Jasmine porte sans conteste l'empreinte d'un vieil artiste qui n'en finit pas de creuser son sillon. S'il n'est ni jubilatoire, ni exceptionnel, le dernier Woody Allen se suit avec un réel plaisir, en partie grâce à l'époustouflante interprétation d'une Cate Blanchett au sommet de son art.
pierreAfeu
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le 26 sept. 2013

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