Je ne sais pas combien de fois j'ai vu Blade Runner tout court. Je ne sais pas combien de fois j'ai vu quelle version, d'ailleurs. Un peu toutes, avec une préférence pour la Director's Cut. Est-ce que je suis là pour parler de Blade Runner, de ce polar métaphysique que d'aucun qualifieront de chiant et de daté ? Absolument, et absolument pas.


Confier la suite à Denis Villeneuve me faisait incroyablement peur.


J'aime beaucoup son travail, j'avais peur qu'il se fasse engloutir comme le premier par une machine studio. Peut-être que ce qui sauve le film de la catastrophe qu'a connu le premier, c'est d'avoir Ridley Scott comme producteur, cette fois-ci capable de défendre la création d'un film de science fiction contemplatif.
J'avais peur de revoir Harrisson Ford, de découvrir ce qu'allait donner Ryan Gosling ; et surtout j'ai été agréablement surpris par Ana de Armas et Sylvia Hoeks qui ne sont même pas crédité sur la promo alors qu'elles portent une part non négligeable du film sur leurs épaules, un peu comme Sean Young dans le premier.


La problématique que pose ce genre de film, c'est les attentes qu'on en a. Il ne peut pas partir d'une toile vierge pour raconter son histoire.
Et je pense que Denis Villeneuve apporte une bonne réponse à cette problématique.


Maintenant que tout est retombé, les images et la musiques, les aplats lents et délicats que Villeneuve aime poser le long de ses films, je peux réfléchir.


Il y a un vertige dans la façon de raconter cette histoire, dans cette confusion entre les décors réels grandioses et les incrustations, comme un écho sur les personnages et leur authenticité. Ce mélange de miniatures, de plans réel et d'images générées produit vraiment un effet incroyable.


D'un point de vu narratif, ce nouvel opus reprend le côté polar noir, un peu lent, très dépressif qui faisait l'identité de Blade Runner ; l'histoire est une bonne dans son ensemble, une très bonne suite qui se suffit à elle même tout en respectant une continuité avec des personnages marquants. Elle n'évite pas quelques écueils et…


Hélas ce n'est pas un film parfait à tous les niveaux. Si j'admire la photo et quelques détails (l'intégration de racines slaves dans l'idiome citadin), Blade Runner 2049 prend un virage important en définissant pour une fois des antagonistes qui manquent de nuances de gris, ce qu'on appellerait vulgairement "des méchants".
Je sais qu'on ne peut pas comparer les deux œuvres aussi facilement. La façon de raconter des histoires a changé, mais il ne faut pas oublier qu'on n'injecte pas 155 millions de dollars dans un film sans essayer de le vendre. Adieu, donc, personnages en nuances de gris, monde de marionnettes s'agitant pour essayer de survivre. C'est peut-être l'absence du côté Dickien qui rejaillit sur l'œuvre. Il manque une paranoïa.


Cela se sent aussi dans les décors. Los Angeles est une ville très sale et très vivante, mais elle gagne un côté propre et aseptisé que je n'attendais pas. Même les moments de saleté (je pense par exemple au casino) paraissent très propre et désolé. Il n'y a jamais de poussière aussi uniforme, il y a des courants d'air, des choses produise plus que d'autre… C'est lécher, c'est beau ; c'est presque lisse.


Je pinaille, hein. Quand on a un film aussi bon, qui frôle la perfection du genre, qui gagnera peut-être un oscar pour la photo, on a le droit de pinailler. Le film a l'air plus hollywoodien que son modèle d'origine, il manque quelque chose pour que l'expérience fonctionne à 100% : quelque chose de cassé.
Peut-être un supplément d'âme.

OrCrawn
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le 11 oct. 2017

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OrCrawn

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