L'opportunisme de Black Christmas trouve son origine dans les nouvelles thématiques abordées par nos sociétés occidentales en plein chamboulement. Il disserte ainsi, aussi mal qu'il est possible de le faire, de la place au sein de notre culture que s'est taillée, par ses idéaux progressistes et égalitaires, le féminisme nouvelle génération, celui qui gueule autant que ce qu'il mord. Et ce faisant, il n'est bien sûr pas guidé par une vision d'auteur : non, en bon produit mercantile et opportuniste, Black Christmas n'existe que selon les ordres de ses producteurs avides de pognon, pour qui l'originalité d'un film d'horreur se résume à apposer un concept relativement neuf et en vogue au moment de la sortie en salles du projet (Facebook, les Escape Game, une application Smartphone,...).


L'horreur, pour être la plus efficace, doit suivre l'évolution des moeurs de la société : un contexte réaliste donnera de bien plus amples possibilités d'effroi, et s'il s'inscrit en plus dans l'air du temps, touchera un public plus large qui pourra, dès lors, mieux s'identifier aux personnages et entrer en résonance avec le propos du projet (souvent porté sur une critique sociale surfant sur les derniers sujets polémiques).


Pour revenir à son cas, Black Christmas accumule deux concepts pour s'assurer, dès ses premières minutes, d'être le plus en vogue possible au près de son public cible, à majorité composé d'adolescents : c'est en toute logique qu'il inscrit son intrigue à la période de Noël, donnant aux spectateurs un rendez-vous de groupe à poser en période de vacances scolaire, et la construit en suivant à la lettre les grandes lignes des grands principes progressistes.


Rien de bien dérangeant à cela s'il ne décidait pas de caricaturer son propos à l'extrême, témoignant ainsi de son incapacité à développer un sujet de fond un minimum correct : sans rien comprendre de ce qu'il raconte, il assomme le spectateur de grands principes moralisateurs visant à faire culpabiliser le public privilégié qui pourrait avoir payé pour le voir; n'est-ce pas ironique de critiquer ceux là même qui vont débourser de l'argent pour te permettre de subsister à tes besoins et de perpétuer, en supplément, le confort de ta vie de cinéaste moralisateur?


Forcément qu'il n'a pas trouvé son public, à accumuler connerie sur connerie en rejetant constamment l'idée de nuance : le spectateur moyen n'aimant pas qu'on l'insulte à longueur de temps, il n'allait certainement pas se presser en salles pour découvrir la dernière daube moralisatrice d'un cinéma de genre en pleine perdition. Ajouter du progressisme au genre du Slasher ne changera rien à la donne : il est et restera un genre ringard et fini depuis la sortie de Scream 3.


Le traitement réservé aux hommes blancs, dépourvus de tout individualisme car noyés dans l'anti-libre-arbitre d'une secte, révèle en image la supercherie de son analyse thématique : Black Christmas, rongé par les clichés et les préjugés, se contente de cracher à la gueule d'une part de la population mondiale en méprisant ce qu'il caractérise comme la toute puissance du mâle blanc cis-genre privilégié : parfaitement en accord avec les idéaux extrêmes de son temps, il se révèle suffisamment malin pour jouer sur l'émotif et non sur la raison, préférant conforter dans leurs positions extrêmes les avis les plus tranchés.


Au lieu de tenter de débattre, il insulte sans réfléchir : en ce sens dangereux qu'il propose comme banalité des clichés sexistes et ethniques insultants (qui pourraient devenir la norme s'ils sont perçus de la mauvaise façon par un adolescent sans expérience particulière), il préfère aborder la question de l'égalité des genres sous le joug de la tyrannie absolue des hommes (institutionnelle et sociale) et des femmes réduites en esclavage par cette médiocre société masculiniste qui voudrait les asservir pour les diriger comme des marionnettes, sans jamais se dire que filmer ses héroïnes émancipées de l'influence des mâles en les sexualisant revient à faire pire que les excès qu'il dénonce.


Ce film qu'on pouvait percevoir, au départ, comme la mise en avant d'un féminisme indépendant de toute influence masculine n'évite pas le piège grossier de rendre ses personnages féminins attractifs pour ce qu'il considère comme un public masculin abruti par leurs pulsions sexuelles : iconisons donc, sans trop se fouler non plus, des héroïnes finalement très inspirées de la Sidney Prescott de Scream, la bêtise et le sexisme en suppléments que personne n'avait demandés. Pour bien faire, il ne suffit pas de dire haut et fort : il faut proposer des pistes de réflexion, apporter des ouvertures au débat, y mener, sans trop en demander, un peu de sang frais.


D'un autre côté, Black Christmas s'inscrit avec perte et fracas dans ce mouvement typique du cinéma de genre apparu après la vague de classiques des années 80-90, et popularisé à la fin des années 2000-début 2010 : des films qui, tout à fait conscients de leur manque flagrant de qualité, s'improvisent portes-parole et défenseurs d'une cause (souvent des minorités), et le faisant de façon absolument opportuniste, ne servent qu'à créer de nouveaux arguments au mouvement qu'ils dénoncent (quand ce ne sont pas de nouveaux partisans) en stigmatisant un public qui n'avait jusqu'ici rien demandé d'autre que se détendre, et aurait fortement pu être en accord avec la cause défendue s'il n'avait pas été assailli de clichés moralisateurs et d'un sens aigu de la culpabilisation.


A mépriser les hommes blancs (auquel il ne faut surtout pas faire confiance, visiblement) en proposant un féminisme extrême (et extrêmement primaire), Black Christmas admet que seuls les hommes de couleur pourront être acceptés dans le mouvement (même si les hommes sont aussi utiles qu'un gode), et caricature, avec une générosité hallucinante, le mouvement de base et ses défenseurs, qui passent tous, désormais, pour des êtres abrutis par leurs pulsions sexuelles et leur haine de ceux qui ne pensent pas comme eux à la lettre prêt.


Il est paradoxal de se servir du progressisme comme d'un mouvement de rejet, et ironique de donner du pain aux anti-féministes en quête d'arguments. Black Christmas, perdu dans ce qu'il raconte et dépassé par les thématiques qu'il développe, en vient à devenir insultant envers tout le monde : il résume les femmes à des hystériques grotesques qui copient les punchlines des hommes pour se donner du caractère, les mâles blancs à des connards prétentieux trompeurs et malhonnêtes, les hommes de couleur à des gens sympas parce qu'ils sont de couleur (on s'en fout, ici, de ce que pense notre héros afro-américain) mais sans grand caractère non plus, et le féminisme comme un rassemblement de gens écervelés incapables de réagir autrement qu'en obéissant à leurs pulsions bas du front.


Black Christmas prend à ce point pour des cons toutes les composantes d'une société occidentale moderne qu'il aurait pu passer, s'il avait été talentueux, pour un film profondément antisocial. A la place, il n'a récolté que ce qu'il a semé : du mépris, des insultes, des rires et le retour à l'anonymat d'une pseudo-réflexion désastreuse.

FloBerne

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