Birdman a beaucoup fait parler de lui pour ses qualités formelles : sa réalisation flamboyante et la prouesse technique de son faux plan séquence de deux heures. Et c'est effectivement ce qui impressionne le plus, en surface, et m'a fait si forte impression la première fois que je l'ai vu.
Au second visionnage, je me rends compte que le fond est parfaitement au niveau de la forme, grâce à une écriture incisive, des dialogues ciselée mais surtout à une galerie de personnages usés ou brisés, servis par un casting phénoménal : Michael Keaton fait un retour fracassant, Edward Norton est aussi brillant qu'à son habitude, Emma Stone fragile et touchante, et je ne vais pas tous les citer mais la distribution ne fait aucune fausse note.
Et au-delà de la virtuosité de la mise en scène, je voudrais aussi saluer la qualité du script qui parvient à rendre digeste ces deux heures menées tambour battant où l'on ne s'ennuie jamais un instant, mais qui sait ralentir pour des moments intimes ou oniriques.
Le rythme n'est pas parfait et la première demi-heure un peu étourdissante : beaucoup de personnages, beaucoup d'exposition et d'informations balancées dans le désordre au gré de dialogues rapides, une caméra qui tournoie d'un endroit à l'autre sans jamais s'arrêter. Iñárritu ne vous mâche pas le travail et exige toute votre attention.
Et si vous la lui offrez, vous serez récompensé par une oeuvre singulière et touchante, un propos pertinent et très actuel sur la dualité de l'acteur et de la célébrité, une incursion hallucinée dans l'univers de broadway, des dialogues intelligents et émouvants, avec beaucoup de scènes très drôles (la relation sans cesse changeante de Keaton et Norton donne lieu à des confrontations exceptionnelles) et un film qui ne ressemble vraiment à aucun autre.