Quelque part entre Bergman et Dreyer

Cadre quasi-médiéval, société chrétienne au bord du chaos avec la peste ravageant tout son territoire, le nouveau film de Paul Verhoeven réunit tous les éléments pour illustrer un début d'apocalypse. D'une certaine manière, il est proche du contexte du Septième Sceau de Ingmar Bergman, ce dernier aussi présentant un monde en déliquescence . Le lien entre les deux oeuvres devient d'ailleurs évident lorsque le metteur en scène hollandais recrée la scène de Dies Irae, quasi-identique à celle du film suédois, où l'on voit une vague de malades et de martyrs porteurs de la croix déferler sur la route.


Toutefois, il y a une différence majeure entre les deux oeuvres. Dans le Septième Sceau, Bergman extermine tout le monde et ne laisse survivre que les artistes, les seuls esprits libres de cette société mortifère. Dans Benedetta, Verhoeven préfère sauver la femme et surtout la libérer des normes sociales et morales (pour peu qu'elle le veuille elle-même) imposées par la société et l'Eglise.


Car il faut bien avouer que la position de la femme dans la société dépeinte par l'artiste hollandais n'est pas des plus enviables. Le corps féminin lui-même est considéré comme un péché et tout comportement jugé déviant peut valoir les pires sévices, voire même le bûcher. On est ici sur un terrain déjà exploré par le cinéaste Carl Theodor Dreyer dans son très beau film Jour de colère (Dies Irae encore...) traitant de la condition des femme jugées pour sorcellerie dans un petit village danois. Toutes partagent un sort peu enviable et sont finalement victimes de la perversité et psychose des hommes.


D'ailleurs, dans Benedetta, ces hommes d'Eglise dirigeant avec une poignée de fer leur empire se révèlent, en plus d'être cruels, hypocrites vu que beaucoup n'ont même pas la Foi, trop occupés qu'ils sont à préserver leurs intérêts personnels. Aucun d'eux ne croient donc aux miracles affichés par soeur Benedetta et la prennent soit pour une menteuse ou une folle. Les seuls qui prétendent ajouter foi à son histoire le font uniquement par opportunisme. Encore une fois, la thématique rejoint par certains aspects une autre oeuvre de Dreyer, Ordet, elle aussi posant la question de la foi véritable dans la société.


Cependant, il faut préciser que si Benedetta affiche beaucoup de similitudes avec le cinéma de Bergman et Dreyer, elle n'en adopte pas le même ton solennel. Dans le film de Verhoeven, ça jure, ça saigne, ça fornique, ça pète (au sens littéral du terme), bref, on retrouve tout le style outrancier qu'on aime voir chez le cinéaste hollandais. Une outrance qui apparait aussi dans l'imagerie du film, bardée de couleurs vives et de compositions de plans parfois proches du grotesque (notamment les songes de Benedetta).


Ainsi, si Benedetta se situe quelque part entre Dreyer et Bergmann, elle est avant tout en plein milieu de la voie arpentée par Verhoeven.

Watchsky
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le 27 sept. 2021

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