La complexe banalité de l'esprit humain

Verhoeven est ici à son sommet sur l'une de ses grandes marottes : nous priver de repères moraux. Tel personnage est-il un antagoniste ou un protagoniste ? Telles actions sont-elles bonnes ou mauvaises ? S'il a toujours su brouiller le manichéisme au mieux, je crois qu'il a cette fois réussi à en effacer presque toute trace. On ne sait jamais sur quel pied danser avec les personnages, on ressent entièrement la fatalité de ne pas être dans leurs têtes. Il n'y a plus de bon et de mauvais, seulement des Hommes, dans toute leur complexité et leur banalité.


Virginie Efira incarne parfaitement cette complexe banalité : pure et mystique, elle qui peut s'ériger en figure christique est tout autant capable d'une élocution froidement triviale et même anachronique.


J'ai la flemme de vraiment explorer toutes les thématiques de ce film. C'est Verhoeven, quoi. Verhoeven au top.


Et si je lui cherchais plutôt des poux ?


C'est pas son premier film en numérique, mais c'est la première fois que je trouve le rendu un peu... lisse. HD, quoi, vous savez. Ça m'avait pas du tout dérangé dans Tricked et Elle, et leur ambiance de toute façon urbaine avec un côté caméra à l'épaule s'y prêtait bien. Mais on revient à un peu de classicisme avec Benedetta, et est-ce qu'on pourrait pas, soyons fous, lui reprocher de manquer d'un peu de grain ? On a forcément son Flesh+Blood en tête, et ses références au Septième Sceau sont évidentes, nous ramenant à un imaginaire noir et désespéré ; pour autant, son image impeccable donne un aspect très propre même à sa Florence sous la peste et à ses processions de flagellants. D'un autre côté, ce que son ambiance perd en noirceur, c'est son érotique qui le gagne en douceur. Alors... utilisation involontairement académique du numérique ou réel parti pris en direction d'une photographie plus pure et nette qui bonifie les corps de ses déesses ? Je sais pas si j'apprécie ou pas ce tournant, mais ce qui est sûr c'est que l'image a un côté clean et que je hurlerais pas de surprise si j'entendais quelqu'un le lui reprocher. Moi je le relève sans trop savoir me positionner.


Dans tous les cas, au fond, je me lasse pas de Verhoeven, de ses obsessions, de son talent. C'est un grand cinéaste, consistant et cohérent, qui sait ce qu'il veut et ce qu'il fait. Je pense que Benedetta se hisse parmi mes œuvres favorites du bonhomme.

Scolopendre
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le 22 nov. 2021

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