Beau semble particulièrement angoissé aujourd’hui. Il doit se rendre le lendemain chez sa mère qu’il n’a pas vue depuis des mois. Se sent-il coupable, lui demande son thérapeute ? Une nuit infernale et le vol de ses clés seront les premières embûches de ce très long périple freudien.
Beau est une Alice égarée au pays des horreurs. Sa ville est devenue une cour des miracles où seul le pire de l’humanité a survécu. Les cadavres jonchent les trottoirs insalubres, les assassins sont les rois nus du bitume et l’on encourage joyeusement les désespérés à sauter. Dans cette jungle à ciel ouvert, la police est terrifiée. Quant au havre paisible de cette famille d’adoption, il ressemble davantage à une clinique psychiatrique dont les murs bleus exhalent la mort. Le Beau au bois dormant chute dans un puits œdipien sans fond, comme tombent les chandeliers sur les cranes ou les araignée et énergumènes des plafonds de salle de bains.
Devant une telle odyssée névrotique, on ne sait plus s’il convient de frémir, rire ou partir. Imprévisible, le voyage hallucinogène mêle grotesque, étonnement, ennui. Joaquin Phoenix en pyjama y apparaît aussi perturbé que dans le costume du Joker. Son délire paranoïaque rappelle celui de Charlie Kaufman qui poussait un Je veux juste en finir plus fort que ce cri qui débute par un accouchement douloureux. On pense également à l’extravagance oscarisée des Daniels illustrant à coups de verge XXL une émancipation matricielle. Ari Aster préfère dépuceler son personnage dans le lit parental sur Always be my baby de Mariah Carey, avant de le condamner à se noyer avec le spectateur. A l’issue de ce labyrinthe intérieur, il est conseillé au réalisateur, s’il est encore temps, de parler à sa maman.
(5.5/10)
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