La première cinéaste de l'Histoire s'appelait Alice Guy-Blaché et a tourné en France et aux États-Unis, avant même la création de Hollywood. Alice qui ? Cette pionnière du 7ème art est pourtant moins connue que les frères Lumière, Méliès, Feuillade ou même que Germaine Dulac, sa consœur, qui a seulement débuté en 1917. Faut-il pour autant souscrire à la thèse du documentaire de Pamela B; Green, Be Natural, qui assure révéler son histoire (délibérément) cachée ? C'est faire peu de cas de Looking for Alice, par exemple, un autre documentaire, plus modeste, réalisé en 2008 et qui, il est vrai, semble parfois minimiser le rôle d'Alice, la faisant notamment débuter en tant que réalisatrice en 1900 (et non en 1896). Il existe également depuis peu plusieurs DVD de ses films dont un coffret sorti par Gaumont. Be Natural, avec son rythme frénétique qui emporte tout son passage et des dizaines d'intervenants dont certains ne prononcent qu'une seule phrase ou disent simplement qu'ils ignoraient son existence, a tout de même un grand mérite : celui de faire entendre une interview de cette héroïne. Certes, ce n'est que par fragments, entre deux témoignages plus ou moins captivants, mais ces moments sont particulièrement touchants, autant que les extraits trop rares de ses films. En vérité, il faut s'extraire de la cadence frénétique du documentaire et des multiples digressions, pour retenir le récit de ses aventures incroyables, en France tout d'abord, au côté de Léon Gaumont puis au New Jersey où se tournèrent les premiers films américains. Alice Guy, scénariste, réalisatrice et productrice a donc été pionnière des deux cinémas qui ont l'un après l'autre dominé le monde. Ce n'est pas rien et sa chute, due d'une part à la mauvaise gestion financière de son mari (dont elle divorça) et de la migration du cinéma américaine vers Hollywood, n'en fut que plus cruelle. La leçon de tout cela, c'est qu'une fois que le cinéma devint une industrie, avec de lourds enjeux commerciaux, les hommes prirent les rênes et les femmes comme Alice Guy n'y eurent plus leur place. Ce qui est bien, en définitive, avec Be Natural, c'est que l'on peut se faire son propre film et au-delà de son caractère démonstratif y voir avant tout le portrait d'une femme étonnante et admirable qui mérite que l'on parle davantage d'elle et, c'est essentiel, que l'on redécouvre son œuvre encore largement méconnue et qui vaut largement le coup (voir par exemple The Detective's Dog, tourné en 1912).

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le 28 juin 2020

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