Aïe aïe aïe… Ces derniers temps j’aimais bien ce qu’il faisait ce duo Jonathan Dayton / Valerie Faris (« Little Miss Sunshine », « Elle s’appelle Ruby »), mais là, j’avoue que je suis passé totalement à côté… C’était même tellement violent que ce fut une question que je me suis régulièrement posée durant la projection. « Mais pourquoi je ne suis pas dedans là ? C’est quoi qui bloque ? » Parce que bon, difficile de reprocher au duo Dayton / Faris de faire des fautes de goût. On a affaire ici à un casting de choix, à une histoire assez insolite et tout cela au service d’une question sociétale d’actualité... Etrange, ça devrait marcher… Sauf que non, en fait, quand j’y réfléchis bien, le cinéma, ça ne marche pas comme ça. Il ne suffit pas d’additionner des trucs sympas pour que ça donne un ensemble cool. L’ensemble ne deviendra cool que s’il y a cet élément-clef qui fera que l’amalgame va se constituer et fonctionner. Et ce n’est pas évident de définir quel est cet élément-clef, mais pour moi c’est évident que « Battle of the sexes » ne l’a pas du tout. Quand j’ai vu ce film, je n’ai pas vu l’histoire incroyable de Billy Jean King. J’ai vu Emma Stone portant une perruque et des lunettes en train de jouer Billy Jean. J’ai vu le duo Dayton / Faris filmer le tout avec la photo et le classicisme des années 70, et j’ai vu chacun lire péniblement les lignes d’un scénario qui était là pour nous expliquer scolairement à quel point c’est pas cool et pas juste que les femmes soient moins payées que les hommes ; à quel point les arguments justifiant ces inégalités sont fallacieux ; et surtout à quel point Billy Jean était une héroïne pour son époque… Ah oui et puis ce n’est pas tout ! C’était aussi super cool que Billy Jean elle soit aussi lesbienne et qu’elle ait finie par l’assumer ! Rah ça ! Qu’elle héroïne en avance sur son temps ! Au regard des combats d’aujourd’hui, il semblait effectivement indispensable de faire un film sur elle pour rappeler à quel point les acquis d’aujourd’hui et/ou de demain, on les doit grâce à ce genre de personnages et de combats ! …Alors moi, je ne demande qu’à être convaincu. A dire vrai je l’étais déjà avant de voir le film. Pourtant ce film m’a gonflé comme jamais parce que, malheureusement, je pense qu’il ne se réduit qu’à ça. C’est un propos et une cause à défendre qu’on s’est simplement contenté de mettre en image sans avoir su trouver le petit ingrédient qui allait permettre à cette intrigue de vraiment prendre vie. Parce que si on prend les deux précédents films du duo, « Little Miss Sunshine » et « Elle s’appelle Ruby », il y avait certes un propos dans les deux films ; l’un sur le rejet du conformisme au modèle américain, l’autre sur les attentes portées sur une relation amoureuse. Mais si ces deux propos ont fonctionné sur moi, c’est surtout parce qu’il avait su prendre vie au travers d’un artifice qui me permettait de cheminer dedans. « Little Miss Sunshine » nous avait embarqué dans un mini-van peuplé de personnages excentriques que j’étais amené à découvrir et – indirectement – à juger. Face à ce film, j’étais dans un processus dynamique. Et le fait que chaque personnage oscillait en permanence entre le pathétisme et une authenticité touchante, cela rendait notre jugement difficile. On était sans cesse en train de reconsidérer la chose. Bref, on était en train de VIVRE à l’intérieur de cet univers. Et même chose pour « Elle s’appelle Ruby » au fond ! En nous plaçant dans la peau de l’écrivain qui a la possibilité de réécrire sa relation amoureuse et – mieux encore – de choisir les caractéristiques de sa partenaire, il nous pose face à une question qui nous interpelle forcément tous : « nous, que chercherions nous à faire en pareille situation ? » Dans cette situation aussi, nous sommes également actifs. Nous prenons PART dans l’intrigue. Ici, dans cette « Battle of the sexes », il n’y a aucun artifice qui nous permet de questionner ou de vivre quoi que ce soit. Bah oui, Billy Jean a l’air d’être une fille chouette : à aucun moment j’ai envie de discuter sa position. Bah oui, elle est légitime dans son combat. Bah ouais, elle est légitime dans son orientation sexuelle… Si bien que tout le film se déroule sans qu’il nous offre la possibilité de nous impliquer dedans. Il n’est plus une expérience sensorielle ou intellectuelle, il est juste du discours… ET quand on me cale près de deux heures d’un discours sans aspérité, auquel je n’ai rien à redire, eh bah moi je m’ennuie grave. C’est tout le problème selon moi à faire des films-plaidoyers comme celui-ci : comme on ne veut surtout pas donner des arguments aux détracteurs de ceux qui s’opposeraient à la cause qu’on entend défendre, alors on a tendance à faire un film univoque, sans relief, sans marge laissée au spectateur pour qu’il questionne, juge, ressente… Pour moi, ce film, il reproduit une erreur classique et répandue ; une erreur qui le rend à mes yeux totalement insignifiant et inintéressant au possible. Dommage… Venant de Jonathan Dayton et de Valerie Faris, je m’attendais à bien mieux…

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le 3 déc. 2017

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