Une bataille qui se prend les raquettes dans le filet

En 1973, Billie Jean King affronte Bobby Riggs dans l'astrodome de Houston devant 30 000 spectateurs et 90 millions de téléspectateurs. Un duel dépassant le simple cadre sportif, dont l'enjeu véritable est le combat pour l'égalité des sexes. Ce moment de l'histoire est mis en scène par un couple de réalisateurs(trices) indépendants(es) Jonathan Dayton et Valérie Faris, avec Emma Stone et Steve Carrell dans les rôles principaux. L'égalité est en place derrière et devant la caméra, mais cela fait-il pour autant un film intéressant? Pas vraiment.


Billie Jean King (Emma Stone) est une joueuse de tennis américaine. Elle est la première femme à dépasser les 100 000$ de gains. C'est ainsi qu'on nous la présente, en la réduisant à son accumulation de dollars. Un événement qui lui vaut d'être félicité par le président des états-unis Richard Nixon. Cette réussite suscite la jalousie et sarcasmes de la part de certains hommes. Parmi eux se trouve Bobby Riggs dit "La Bouche" pour sa propension à l'ouvrir constamment. Pour ne pas arranger son cas, il est aussi machiste et ne croit pas en l'égalité homme/femme. En tant que joueur compulsif, il ne peut s'empêcher de relever le défi d'un de ses camarades, qui est d'affronter Billie Jean King lors d'un match exhibition pour prouver la suprématie du mâle, celui qui s'occupe financièrement du foyer, pendant que la femelle prend soin de leur nid douillet en s'occupant des enfants, du ménage, de la cuisine, bref de toutes les tâches ménagères. Mais Billie va refuser de jouer le jeu de cet énergumène en manque de publicité, voulant être sous les feux des projecteurs pour oublier sa vie morose. Face à ce refus qu'il ne peut accepter, il va se rabattre sur la nouvelle numéro une mondiale Margaret Court (Jessica McNamee). Cela va être une cinglante défaite pour la jeune femme. Billie Jean ne peut accepter cette déconvenue. Elle part donc affronter ce sale machiste, pour prouver à la face du monde et surtout de celui-ci, que la femme est l'égale de l'homme.


Dans le sport, l'homme génère plus d'audience et donc de profits, c'est un fait! Une jeune femme de 29 ans qui affronte un homme de 55 ans, cela ressemble à un mauvais sketch. Contre toute attente, cette bouffonnerie a pourtant son importance. La défaite de Margaret Court va conforter les hommes dans leurs sentiments envers la femme. Cela a pour conséquence de faire reculer le combat pour l'égalité des sexes. Comme il est plus difficile d'avancer, que de reculer. Billie Jean se retrouve dans l'obligation de relever le challenge. Elle se bat pour un combat auquel elle croit. Un combat qui est légitime, dans lequel on adhère.


Le tennis; le sport en général; n'est pas très cinématographique. Les rares fois où on se retrouve sur un court de tennis, cela reste très superficiel avec une absence flagrante d'émotions. Les matchs sont filmés de loin pour éviter de nous montrer le visage des doublures. Cela nous met dans une position inconfortable et dans l'incapacité de vibrer durant le match final. Certes, la victoire est juste une formalité, vu que Bobby Riggs devenu trop confiant après son match face à Margaret Court, se contente de prendre des tonnes de vitamines et de se pavaner avec des cocktails au bord de diverses piscines, pendant que Billie Jean King s’entraîne avec sérieux.


Sur le fond, le sujet du film est intéressant. Pour autant, cela ne fait pas une histoire passionnante. Pendant deux heures, on va attendre le fameux duel. On nous présente les deux protagonistes. Billie Jean King est une jeune femme militant pour l'égalité des sexes. Elle assume ses prises de position, mais préfère l'ombre à la lumière. Tout le contraire de Bobby Riggs, qui a besoin d'être sous les projecteurs pour se sentir exister. Il est coincé dans un travail et une vie familiale ne lui convenant pas. A travers ce match exhibition, il trouve un moyen de capter à nouveau l'attention, à coups de déclarations tapageuses et d'exhibition de mauvais goût. Peu importe la manière, il veut la lumière. Ces deux personnes sont des opposés, mais pas des rivaux. Le film ne tente pas de rendre Bobby Riggs antipathique et de faire de Billy Jean King, une héroïne. Ils ont chacun leurs convictions. Ceux de Bobby ne sont pas acceptables, mais en même temps, l'homme se révèle être plus un enfant, qu'un adulte responsable. On le voit quand il joue avec son dernier fils, dans son rapport avec sa femme et lors de sa préparation. Pour autant, Billy Jean n'est pas exempt de tout reproche. Certes, elle prend conscience de sa sexualité, mais blesse son mari Larry (Austin Powell), qui prend soin d'elle, en ne tentant pas de la brider dans ses envies. On apprécie le fait de ne pas gommer la part d'ombre de chacun, tout en évitant d'enjoliver leurs vies.


L'histoire se focalise un peu trop sur la romance entre Billy Jean King et Marilyn Barnett (Andrea Riseborough). Elle n'est pas vraiment intéressante, puis surtout cela empêche de développer d'autres personnages, tel Margaret Court, qui a pourtant son importance dans le film. On comprend l'intérêt de raconter la découverte de son homosexualité à une période ou c'était encore mal accepté. Moins, que cela prenne autant de place, surtout en la transformant en un vaudeville, qui va tout de même offrir une touche d'émotion.


Steve Carrell se révèle le plus attachant, surtout grâce à son humour et son addiction au jeu. Mais Emma Stone est plus intéressante, à travers ce qu'elle véhicule et son combat. Bill Pullman, Alan Cumming et Austin Stowell s'en sortent plutôt bien. Chacun dans un registre différent. On notera que ce sont des hommes. Les personnages féminins sont étonnamment moins intéressants, ce qui est un peu aberrant au sein d'un film parlant de l'égalité des sexes. Après, il est possible que dans ma position de mâle, je sois resté perplexe face à la minceur psychologique de ces gentes demoiselles.


Le film se révèle convenu, consensuel et désuet. Il ne brille que par moments, grâce à la performance de ses deux acteurs principaux. Certes, c'est parfois drôle et émouvant, mais par petites touches, en ne nous permettant pas d'être sous le charme de cette bataille et d'en ressentir les enjeux.

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le 28 nov. 2017

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Laurent Doe

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