C'est à peu près sans honte que je copie/colle ma critique de Batman V Superman , et ce pour une raison simple : au moment de sa rédaction, la version Ultimate Edition n'était pas encore disponible sur le site.
Et cette critique ayant pour socle le visionnage cette director's cut, sa place ici est légitimée d'office. D'où cette pratique un peu honteuse mais appropriée que j'ai dû utiliser pour des raisons (presque) vertueuses et (quasi) légitime. Je vous laisse seuls juges et bourreaux, et retourne de ce pas à ma Snyder Cut de Justice League.


Oui, Batman V Superman fait partie de ces quelques films dont la Director's Cut transcende complètement le film (enfin, la version "Unlimited", pour être précis)
Et pourtant, c'était pas gagné, car le patchwork caricatural cousu de fil blanc et lardé d'incohérences qu'on nous a servi au cinéma était bien parti pour enterrer (dans tous les sens du terme) ce qu'avait amorcé maladroitement (mais avec une certaine élégance iconique) le Superman de Snyder.
Il m'a fallu attendre un long moment, m'être vraiment débarrassé de mes souvenirs du film (qui ne se limitait plus qu'à une vague impression d'agacement résiduelle et quelques belles images faisant écho au comics de Frank Miller) pour me décider à bouffer 3h d'un film qui avait réussi à m'ennuyer avec une demi heure de moins au compteur.


Mais comme nombre de critiques vantaient les mérites de ce cut, je ne prenais pas trop de risques.


Et sans surprise, BvS DC est sans comparaison à sa version projetée en salle.
Si Lex Luthor est toujours aussi agaçant (je ne supporte pas les choix de jeu de l'acteur, ses tics de langage, son coté névrotique artificiel, bref, à mes yeux, c'est peut-être le plus gros échec du film), son plan, lui, réussit à convaincre.
Les scènes manquantes étaient tels des rouages retirés de force, empêchant sa machinerie de prendre vie.
Pour croire que ce Batman déjà disons "fragile" sur le plan psychiatriqu, avec quelques soucis coté "anger management", soit titillé jusqu'à l'écartèlement moral, la scène des chèques est rien moins que nécessaire, nous avons besoin de ces moment de pause, cette mise en tension, chaque pas vers le Coeur des Ténèbres, chaque provocation a priori anecdotique et pourtant essentielle.


Il faut dire que niveau crédibilité, le film démarre très mal, avec des employés de chez Wayne qui attendent un coup de fil du boss pour se décider à quitter le building, alors qu'une machine extraterrestre est en train de terraformer la planète quelques centaines de mètres plus bas.


Mais là où la version cinéma fait de ce moment le noeud dramatique de l'antagonisme entre le héros et le justicier, la Dir's Cut n'en fait que la mise en branle de la chose, et explique l'envenimement des choses, réussit à le mettre en place, grâce à un rythme plus réfléchi, plus posé, plus juste, tout simplement.


L'orchestration de Luthor est largement plus machiavélique, perverse, les éléments révélés par Lois tissent une toile autrement plus prenante que le déroulé mécaniste de la version ciné, et l'affrontement entre Batman et Superman devient réellement inévitable de par l'aveuglement de Bruce Wayne et la situation de Superman.


L'arrivée de Wonder Woman, au lieu de faire Caméo factice placé là pour teaser son film, arrive au contraire à point nommé, et le combat final gagne en epicness, malgré le ridicule consommé de la création de Doomsday et son manque d'impact iconique.


Bref, tout le film en sort grandi. Je ne vais pas faire du scène par scène, d'autres s'en sont chargé. Cette version n'efface pas tous les défauts du film, bien sûr. Le basculement en un prénom de la haine vers le copinage reste un peu artificiel (même s'il est très largement plus juste dans cette version, encore une fois) par exemple, et l'on sent toujours dans le cinéma de Snyder la victoire de la forme sur le fond.
Mais Batman v Superman s'en sort avec les honneurs et s'avère être un bon film.


Et je n'avais pas envie d'écrire une critique juste pour dire ça...


Je m'en serai peut-être abstenu si je n'avais pas constaté, au gré de pérégrinations en diagonale sur YouTube, et au vu des notes désastreuse du film sur SC, qu'à peine un an plus tard, la mauvaise version a malgré tout pris le dessus dans les coeurs et dans les mémoires.
Même le Fossoyeur de Films, lorsqu'il mentionne le film, fait référence à la version cinéma, instinctivement, sans même y penser, alors qu'il fait partie des premiers (avec Durendal) à avoir réhabilité le film grâce à sa version director's cut.


Et c'est là où le débat devient intéressant, mais où le bât blesse.
La question est simple : quelle version fait autorité ?
La réponse, toute aussi simple, est instinctive : le director's cut.
Oui, mais ça n'est pas aussi simple. Tout d'abord, il y a la discrimination financière. Le "vrai" film ne serait accessible qu'à ceux qui feront l'effort de casquer pour se procurer cette director's cut.
Est-ce celle-ci ou la version cinéma qui passera à la télé, qui sera disponible en VOD...etc ?
Quelle version fait autorité, donc, non plus seulement artistiquement, mais aussi économiquement, et en terme de postérité ?


Est-il juste qu'une oeuvre massacrée par un studio finisse dans les salles alors qu'une version en tous points supérieure se retrouvera quelques mois plus tard dans les bacs de solde ?
Non, pourtant, c'est devenu monnaie courante (quand une version "intacte" réussit à émerger dans le marché DVD/Blu-Ray, ce qui n'est pas toujours le cas, comme nous le rappelle la douloureuse expérience Fantastic Four)
Le réalisateur accepte le compromis en comptant sur l'édition Blu Ray, et le studio aussi, jouant potentiellement même de la frustration du spectateur.
En est-on vraiment arrivé à l'ère du film en DLC ?!!!!


Car n'oublions pas que BvS DC, s'il est un cas d'école, est très largement minoritaire, dans le sens où la très grande majorité des Extended, Uncut, Dir's Cut n'ont à offrir que quelques bouts de baston, de nichon, ou de dialogues creux en plus.


Faut-il acheter Suicide Squad director's cut dans le bénéfice du doute ? Accepter cet état de fait ? Boycoter les films théâtre d'une lutte perdue entre le réalisateur et les studios ?


Clairement, le fait que la version director's cut de ce film soit à ce point supérieure à la version cinéma est un problème.


Et n'allons pas croire naivement que c'est une question de quantité. Rappelons nous de l'audacieuse director's cut de Blade Runner qui proposait même une scène en moins, mais redéfinissait tout le sens du film de par cette amputation.


Et je me souviens du premier épisode de la médiocre série Constantine. J'avais vu un pilote qui m'avait laissé très mauvaise impression.
Puis, lorsque la série s'est lancée officiellement, ce pilote est devenu le premier épisode. Le contenu était identique, l'enchaînement des scènes le même, et pourtant, là où le pilote se vautrait lamentablement, le premier épisode réussissait à limiter la casse, grâce à une révision bienveillante du rythme, une gestion millimétrée des emphases sonores...etc.


Quelques secondes, savamment agencées, font la différence.


Reste que le constat est là. Le film qui reste dans les mémoires, sur Imdb, sur SC, le film qui fera autorité historiquement, ce sera ce cut difforme et pataud, cette trahison forcée.


C'est ce qu'on appelle l'injustice poétique...

toma_uberwenig
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le 18 mars 2021

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toma Uberwenig

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