"On ne vous a jamais dit que le rire pouvait tout guérir ?"

De plus en plus, la ville de Gotham City est agitée par des rumeurs dressant le profil d’un mystérieux justicier masqué, qui agirait dans un costume de chauve-souris. Les journalistes Alexander Knox et Vicki Vale (Robert Wuhl et Kim Basinger) décident alors d’enquêter sur son identité. Mais ce faisant, Vicki se trouve sur la voie du terrible Joker (Jack Nicholson, dans un de ses plus grands rôles), qui désire la mort de Batman plus que tout. Mais sans perdre le sourire, bien évidemment...


Le problème des génies du cinéma, c’est qu’ils ont parfois tendance à se marcher sur les pieds. Et il y a fort à parier que dans la tête de bon nombre de spectateurs du XXIe siècle, Batman n’ait le visage de Christian Bale et que le Joker n’ait celui de Heath Ledger. C’était d’ailleurs mon cas hier encore, et je ne dois qu’à l’insistance de ma souris préférée Nick_Cortex de m’avoir sorti de cette honteuse inculture.
Car c’est en effet une grave lacune que de rester sur la version de Nolan (néanmoins excellente), quand on connaît celle de Tim Burton, qu’on avait rarement connu autant en forme que sur ce film. De fait, le réalisateur y fait montre de toute l’étendue de son talent de créateur et de conteur hors-pair, nous offrant un univers très dense et rigoureux, où la somptueuse photographie de Roger Pratt ne se le dispute en efficacité qu’au récit haletant de Sam Hamm et Warren Skaaren, qui ne laisse pas un instant de répit à son spectateur.
C’est donc avec un plaisir sans bornes que l’on s’immerge dans cet univers qu’on ne voudrait plus quitter, les deux heures du film paraissant singulièrement courtes. Si Michael Keaton nous propose un travail honnête dans le rôle de Bruce Wayne/Batman, loin de ses cabotinages délirants et souvent lourds (Beetlejuice, Beaucoup de bruit pour rien), c’est évidemment l’inénarrable Jack Nicholson qui crève l’écran dans ce qui reste peut-être aujourd’hui son rôle le plus emblématique. Et on le comprend, tant sa prestation en tant que Joker relève du génie, parvenant à créer un des plus grands méchants du cinéma, en réussissant le tour de force d’être aussi drôle que menaçant, car sans limites, aidé en cela par des dialogues incroyablement percutants.
C’est là également tout le génie du film de Burton : à la manière des plus grands chefs-d’œuvre, il arrive à mêler les genres, naviguant constamment entre la comédie, le thriller et le film d’aventures avec brio, trouvant la juste mesure tant dans la bouffonnerie que dans le grand spectacle. Du génie, on en retrouve donc à tous les niveaux de ce premier Batman, de la réalisation au casting, en passant par une géniale partition signée évidemment Danny Elfman et les décors baroques d’Anton Furst, qui sont pour beaucoup dans l’identité visuelle décidément unique du film, délicieusement gothique et cartoonesque.
Aujourd’hui, à une époque où la prolifération de films de super-héros n’en finit plus de lasser, cela peut paraître étrange à dire, mais il fut bel et bien un temps où un film de super-héros, bien plus qu’un simple divertissement, pouvait être une grande œuvre cinématographique, et ce temps, Tim Burton en est un des plus grands représentants.

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le 19 déc. 2017

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Tonto

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