Le génie malsain et machiavélique de Paul Verhoeven


Il y eut un bref éclair argenté dans sa main, un éclat
métallique, aiguisé et mortel. Sa main droite s'abattit, vive et
cruelle, l'arme transperçant sa gorge pâle que son sang peignit
brusquement en rouge.



Avec Basic instinct Paul Verhoeven fait preuve d'insolence, d'inconvenance et d'une audace folle en larguant une véritable bombe atomique érotique et sadique dans la sphère mondiale en 1992. Une première qui marquera les esprits et signera là son plus gros succès. Basic Instinct partie de ces oeuvres phares et d'une importance cruciale puisqu'elle permet de transcender le système cinématographique en proposant de nouveaux code et par là même un nouveau genre, dans ce cas précis le "thriller érotique". Ce n'est pas anodin s'il sert encore aujourd'hui de véritable référence et de tremplin à une multitude de longs métrages qui ont voulu également surfer sur cette vague. Seulement, telle où telle fois imitée est très rarement égalée.


Ce thriller hors normes propose une vision réelle, décadente et choquante de notre société en ne censurant rien et en montrant tout sous sa forme la plus basique. Ainsi le sexe, la drogue, l'alcool, le meurtre, rien n'échappe au cinéaste qui prend un plaisir pervers à filmer allègrement chaque plan sans tomber une fois dans la pornographie la plus pure et dans l'excès à outrance, juste ce qu'il faut. Basic Instinct est donc un film pervers, tortueux et violent qui met en avant une histoire au service de la jouissance perçue et qui se trouve à être palpitant et surprenant. Encore aujourd'hui cette oeuvre en choquerait plus d'un alors je vous laisse imaginer la réaction du public à sa sortie officielle.


Toutefois ne vous y trompez pas l'intrigue est sataniquement efficace et parfaitement agencée car bien que se soit visuellement marquante c'est avant tout très psychologique et relativement fin. Basic Instinct explore les tréfonds de l'esprit humain dans un jeu de contrôle entre les protagonistes le tout motivé par une enquête criminelle.


Le long métrage s'ouvre avec la scène d'un homme massacré à coups de pic à glace en plein moment d'extase sexuel par une femme dont on ne perçoit pas totalement le visage. Qui est le coupable ?


Plus l'histoire, avance moins on sait à quoi s'attendre, le suspens demeure entier jusqu'à la dernière scène sans jamais nous lâcher. C'est pourquoi juger Basic Instinct juste pour ses scènes sexuelles ne serait absolument pas lui rendre justice car c'est aussi un polar éblouissant et dérangeant qui sait jouer de son public.


Mais Basic Instinct ne serait rien sans ces deux acteurs principaux qui sont incroyablement bons et d'une présence obnubilant, l'on voit aisément qu'ils ont clairement donné de leurs personnes. Michael Douglas incarne l'inspecteur Nick Curran alias"flingueur", un flic aux passées plus que douteuse totalement désabusée en proie à ses propres démons qui en enquêtant sur le meurtre se retrouvent happés dans un univers de dépravation ou pulsions et addictions humaines est monnaie courante. J'aime beaucoup ce personnage qui sort totalement des clichés en faisant des choix toujours étonnant et auquel on ne s'attend pas .Michael Douglas joue avec beaucoup de charisme et fait preuve d'une nervosité déroutante. Il embrasse les vices au lieu de les affronter.


Sharon Stone en femme fatale mystérieuse réalise pour ma part son meilleur rôle qui fera d'elle instantanément une star internationale. Sous les traits de l'écrivain Catherine Tramell elle est juste bluffante, une déesse voluptueuse qui telle une belle rose pique. Une performance à tombée par terre ! Toute la trame repose sur son pouvoir de domination et de séduction qu'elle exerce avec une suffisance glaçante. Catherine Tramell incarne le péché originel et cherche à vous pervertir en faisant ressortir vos plus bas instincts et en les embrassant. À la fois stressante, manipulatrice, prédatrice, schizophrène et la liste sont longues pour la qualifier. Je ne comprendrais décidément jamais qu'elle n'est reçu aucune récompense pour ce rôle ni aucune nomination, c'est juste incompréhensible !


À eux deux les comédiens forment le plus puissant couple qui m'a été donné de voir. Ce qu'il y a de passionnant avec leur duo c'est qu'ils se livrent à un affrontement de contrôle où chacun veut dominer l'autre. Après à savoir qui est le dominateur et le dominé je vous laisse y répondre. C'est autour de cet asservissement qu'un jeu vicieux et dangereux va se mettre en place ou le contrôle et l'ascendant sous les armes employées via le sexe, la drogue, la peur, le meurtre... Je salue également la performance de Jeanne Tripplehorn personnage souvent oublié et qui tient pourtant elle aussi un rôle de taille et d'importance en incarnant le docteur Elisabeth Garner.


La musique de Jerry Goldsmith à qui l'on doit entre autres les partitions de Total Recall, joue également un part essentiel à cet univers décadent . En étroite collaboration avec Paul Veroeven qui prenait très au sérieux la composition de son film, tous deux réussirent à composer une partition riche et efficace délivrant l'intensité érotique et psychologique de ce dernier à coup d'effets sonores envoûtants et inquiétants .Une partition de plusieurs titres fort avec pour thème principal une mélodie mystérieuse et très atmosphérique au synthé et à la harpe qui font mouche et entretiennent le mystère et l'inquiétude autour de Catherine Tramell . Les notes sont subtilement en phase avec toute la froideur du personnage.


Enfin Basic Instinct contient plusieurs scènes culte dont je tiens à énumérer tant elles m'ont marqué.


Je pense en premier lieu au fameux croisement de jambes de Sharon Stone en salle interrogatoire laissant son entre cuisses libres des regards alors qu'elle ne possède pas de culotte. Ou encore la scène d'exécution du début, ou les nombreux actes sexuels entre les protagonistes avec pour motif de prendre le pouvoir.


La narration est également très forte avec un travail d'écriture surprenant et des échanges maîtrisés appuyés régulièrement par des répliques marquantes comme celle-ci:


"- Depuis quand sortiez-vous avec lui ?
- Je ne sortais pas, je baisais avec lui".


"- Il est interdit de fumer ici mademoiselle.
- Vous allez faire quoi ?! M'inculper pour fumage ?"


"- Vous prenez de la drogue Mademoiselle Tramell ?
- ça m'arrive.
- Vous avez pris de la drogue avec Monsieur Boz ?
- Bien sûr.
- Quel genre de drogue ?
- Cocaïne. Vous avez déjà baisé sous cocaïne, Nick ? C'est bien."


CONCLUSION:


Basic Instinct est une oeuvre perverse, jouissive et intelligente fédératrice d'un genre nouveau qui aura marqué son temps et qui se révèle encore majeure aujourd'hui . Je salue le réalisateur Paul Verhoeven qui aura su porter son courage jusqu'au bout en proposant un film complètement dérangeant et diamétralement opposé à tout ce qui faisait le cinéma en son temps. Un long métrage complet livrant un scénario riche, impactant et malin dont une bande-son enivrant au service de deux acteurs surprenants et totalement imprègne. Mention spéciale à Sharon Stone ! Un véritable chef-d'oeuvre!

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le 29 sept. 2018

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