Circonspect ! C'est le mot le plus adapté à mon ressenti suite au visionnage de Barry Lyndon . Circonspect pour une simple raison; j'ai la sensation d'avoir contemplé, d'avoir été durant ces trois heures un spectateur, mais dans le mauvais sens du terme, n'ayant pu à aucun moment m'immiscer dans le film. Je m'explique.
De cette béatitude contemplative ressort un paradoxe qui m'a poursuivi durant ces trois heures de film et qui m'a empêché de m'y plonger totalement ! Ce film est une fresque, dans le sens ou la photographie y est époustouflante, chaque plan est bossé à la perfection, tant sur la symétrie, la perspective et les couleurs. Pour être précis à ce niveau ce ne sont plus des plans mais des tableaux qui se succèdent en rythme.
Le rythme parlons-en ! Ce film est une symphonie. Ma tête résonne encore du bruit de talon des souliers vernis de la noblesse poudrée qui marquent le tempo de la Sarabande de Haendel. Du générique de début jusqu'à l'épilogue, les images s'emboitent à la perfection, comme une marche inexorable, battant le tempo de la destinée de Barry.
D'ordinaire la voix-off est une chose qui me débecte du fait même que le cinéma est sensé raconter au moyen d'images et faire si possible l'économie d'un speaker. Dans ce cas je serai plus nuancé. Cette voix-off nous permet de comprendre que l'intérêt du récit ne réside pas dans le dénouement, qu'il n'y aura pas d'apothéose orchestrée in fine autour de la destinée de Barry. On pourrai donc d'emblée croire que Kubrick sabote son récit, mais il permet de relâcher la tension. Le suspens se déporte de ce qu'y pourrait advenir de Barry à ce qu'y lui arrive dans l'instant. Ce qui importe c'est comment il évolue dans ces différents cadres sociaux ( armée, noblesse ) du XVIII ème siècle. La présence de cette voix-off nous permet selon moi de faire l'économie d'un suspens qui desservirait le spectateur. Par ailleurs lorsque suspens il y a, il est haletant à l'image de la terrible tension de la scène de duel.
L'ambiance du film est froide, roide, nauséeuse par moment et toute cette virtuosité vient lisser l'ensemble au point que le spectateur s'en sent exclu. Et c'est peut-être là le génial paradoxe ! l'image de Barry, petit parvenu irlandais plongé dans les méandres du "grand-monde" européen est ce spectateur. Son ambition et sa débrouillardise, comme le dit cette fameuse voix-off, lui permet d'accéder aux honneurs et à la fortune mais ces mêmes qualités le desservent quant à la conservation de ce rang. Barry est acteur de la première partie du film, lorsque sa jeunesse, sa candeur et son ambition lui permettent de satisfaire son appétit de reconnaissance et de fortune. Il est à l'opposé spectateur, lisse étranger de la seconde partie. Le monde qu'il a conquis n'est pas le sien et ses origines le rattrapent sans cesse, l'entrainant dans l'oubli.
Alors pourquoi circonspect me direz-vous et vous aurez raison ! Car malgré la débauche de virtuosité présente dans ce métrage, à aucun moment je ne suis complètement entré dans le film et le pire est que j'en loue les causes. Bref ce film fait l'objet de ma première critique car il me pose problème et je pense qu'il fait partie des oeuvres qu'il faut voir et revoir. Ceci n'est donc pas une critique mais un avis à chaud sur le cas de conscience qu'il me pose.
J'ai vu un chef-d'oeuvre et les raisons pour lesquelles je le considère comme tel sont les mêmes qui me font dire qu'il me pose problème.
Voici mon humble avis sur la vie de Barry.
Thomas_Caubet
7
Écrit par

Créée

le 25 janv. 2015

Critique lue 464 fois

8 j'aime

Thomas_Caubet

Écrit par

Critique lue 464 fois

8

D'autres avis sur Barry Lyndon

Barry Lyndon
Anonymus
10

Critique de Barry Lyndon par Anonymus

Ah ! Redmond... Ce film nous amène à "la grande question cinématographique" : comment un personnage, si bien vêtu, filmé avec tant d'art, de science et de goût, dans des décors naturels si somptueux,...

le 2 déc. 2010

188 j'aime

24

Barry Lyndon
KingRabbit
9

Comment créer de l'empathie pour un odieux connard ?

Un type qui vient de nulle part, à l'égo démesuré, effroyablement jaloux, qui va vouloir aller au top du top... Qui va gravir les échelons, devenir un champion de l'escroquerie, un opportuniste, un...

le 31 janv. 2014

108 j'aime

9

Barry Lyndon
DjeeVanCleef
10

#JeSuisKubrick

Ça avait commencé comme ça, sur rien, une de mes peccadilles quotidiennes, l'occasion immanquable d'exposer ma détestation quasi totale du dénommé Stanley Kubrick, génie du 7ème Art de son état. Et...

le 29 juin 2015

105 j'aime

17