Frustré de ne pouvoir réaliser son film sur la vie d'une des plus grandes personnalité française de l'Histoire, Kubrick se console en allant dans les terres anglophones filmer la vie d'un jeune irlandais de famille modeste.
Barry Lyndon est une fresque de 3 heures sur la vie de Barry : de Redmond Barry à Barry Lyndon. Barry est un personnage témoin de son époque traversant aussi bien la campagne irlandaise, que les champs de batailles prussiens ou la noblesse anglaise. C'est aussi le réceptacle des mœurs et des habitudes des gens qui vivent dans ce monde. Effectivement, au fil du métrage l'homme assimile les traits de caractères de ceux qu'il rencontre, du capitaine John Quin à son père en passant par le chevalier de Balibari. C'est alors en montant les échelons de la société qu'il souhaitera acquérir les mêmes titres que ceux qu'ils fréquentent. Barry passera ainsi d'un jeune homme pur baigné d'une lumière blanche ne comprenant les véritables intentions de sa cousine, à un menteur égocentrique plongé dans l'obscurité, qui finira endetté comme son père et handicapé comme Sir Charles Reginald Lyndon. Il devient finalement ce qu'il a toujours combattu, à l'instar du parallèle entre son combat contre Quin et celui contre lord Bullington où dans ce dernier les rôles s'inversent, le lord ayant sur lui les mêmes vêtements que Barry arborait face au capitaine.
La vie de ce jeune irlandais est tragique en tout point, et le métrage ne cesse de le répéter et cela par tous les moyens en sa possession. Rien que les premières minutes du film permettent de comprendre la teneur tragique de ce qui arrivera à Barry. Le métrage s'ouvre sur une voix off. Celle-ci permet tout au long du visionnage de nous indiquer – non sans humour – ce qui se déroule aussi bien dans la vie de l'irlandais que dans le contexte historique de l'époque. Cependant, son rôle le plus important est d'appuyer sur le destin tragique du protagoniste. Durant sa première tirade, la voix off est accompagné musicalement par la Sarabande d'Haendel, une musique aux allures de marche funèbre qui reviendra dans plusieurs séquences dramatiques du métrage comme pour nous rappeler le destin funeste de Barry.
Derrière ces signes annonciateurs de mort plutôt explicite, s'en dissimulent d'autres beaucoup plus subtiles et d'autant plus intéressant. Évidemment, lorsque nous parlons de Barry Lyndon, il est impossible de ne pas parler de sa réalisation et de sa photographie, deux outils qui desservent à merveille le propos terrible du métrage. Il y a eu une volonté de part la photographie, de la composition des cadres et de la profondeur de champs de proposer non pas des plans de cinéma mais de véritables tableaux. Nous avons énormément de plans d'ensembles laissant de grands espaces aux ciels à l'image d'une peinture néo-classique de paysage. Concernant les plans à l'intérieur, en particulier lors des séquences nocturnes, il est évident d'évoquer l'usage du clair obscur via les bougies. En effet, ces séquences sont filmés à la lumières naturelles. Ce choix esthétique apporte de la vraisemblance au récit mais marque surtout des intentions de réalisations intéressantes. Les bougies symbolisent tout aussi bien la tension à l'image de l'arrivée de Barry face au Sir Charles Lyndon, que la passion lors de sa première rencontre avec lady Lyndon. Il est vrai que la beauté plastique de Barry Lyndon est à souligné, mais elle est d'autant plus fascinante à étudier par le prisme du protagoniste. Kubrick initie souvent ses plans d'ensembles en partant d'un élément avant de dézoomer, comme pour prendre le détail d'un tableau avant d'y révéler l’entièreté de la toile. Cet étrange procédé est surtout un moyen de montrer que Barry ne contrôle pas son destin, qu'il fait partie d'une histoire plus grande que la sienne, celle avec un grand H. La preuve de ceci est que le réalisateur fait beaucoup appel à ce procédé en début de métrage à un moment où il est privé de liberté en subissant le joug de ses passions, de ses connaissances et de ses supérieurs. Dés qu'il devient libre aux côtés du chevalier, la réalisation abandonne les dézoom et fait le contraire, en partant d'un plan ensemble jusqu'à zoomer sur un détail du cadre. Barry tient son destin en main, et la caméra appuie cela en dévoilant ses envies. Malheureusement pour lui ce ne sera que pour de courte durée puisque les dézoom reviendront annonçant ainsi sa chute. Les plans sur le château dans lequel il réside passeront de magnifique à menaçant, enfonçant encore plus l'irlandais. Barry touchera le fond lorsqu'il battra devant ses invités lord Bullington. Dans cette séquence, la réalisation mettra un terme à ses ambitions en plaçant la caméra à ras du sol, un positionnement identique à celui de lorsqu'il était à l'armée, comme s'il était revenu à son statut de départ, statut qu'il ne quittera plus jamais.
Barry Lyndon doit énormément à la non production de Napoléon, que ce soit pour l'ambiance général du métrage ou les décors et les costumes. Néanmoins, il ne faut aucunement regretter la non existence de Napoléon car s'il avait existé nous n'aurions jamais eu de Barry Lyndon, ce qui aurait été très regrettable.