La Sarabande retentit.
Un plan d'ensemble lointain montre la mort en duel d'un père sous un ciel orageux.
Un plan en mouvement montre une mère en deuil se promenant avec son amant au milieu d'un poulailler, et les oiseaux chantent.
Deux plans introduisent présentant ses parents introduisent la vie de Redmond Barry, tiraillée par deux forces qui se repoussent et s'attirent mutuellement : l'amour et la mort.

La perte de son premier amour fait de lui un vagabond à la recherche d'une identité, qui traverse l'Europe pour se retrouver : exilé de son Irlande natale, il combat tantôt pour l'Angleterre, tantôt pour la Prusse. Et lorsqu'il n'est pas sur les champs de bataille, il fait la cour à des âmes perdues.
Arrive la musique de Schubert et la rencontre qui va le hisser au sommet et conduire à sa chute. Des regards se croisent, se fuient, jugent. Les acteurs au teint mortifère n'ont jamais paru aussi expressifs. Je comprend qu'on puisse trouver Barry Lyndon long et plat, le jeu d'acteur y est surement pour quelque chose. Mais il permet de rendre intenses les émotions les plus intimes qui s'immiscent sur leurs visages dénués de tout sentiment. Le précepteur essaye de protéger Miss Lyndon contre l'amour passionnel qu'elle trouve en Barry. Elle veut fuir le monde réel vers un monde où l'amour règne et où aucune hiérarchie ni loi rationnelle ne sont possibles. Barry a lui trouvé en Miss Lyndon l'objet de sa quête et ne peut plus le laisser partir. Il veut devenir Barry Lyndon. Alors la tension monte, jusqu'à un final de bâtard au clair de lune.

Une fois sa progéniture assurée, l'ambitieux a atteint son but : il doit à présent rester au sommet. Il est temps pour lui de transmettre les souffrances qu'il a enduré pour en arriver là, notamment envers son beau fils lord Bullingdon, principal adversaire à sa réussite. Il propage la peste au détriment de l'amour, et ses actions finissent par avoir des conséquences. Promettre à son fils de ne plus se quereller avec sa mère afin de tous se retrouver dans l'au delà ne suffira pas.

Dans ce poulailler à l'allure d'une église, le dernier jugement a lieu avec cette lumière bleue traversant les fentes. Si Kubrick a tourné intégralement à l'aide de lumière naturelle, alors la nature est avec lui, tant l'atmosphère est divine. Et la Sarabande retentit une énième fois. Il est temps pour Barry Lyndon de se repentir, mais la vie n'attend pas.

Schubert forme un dernier trio lors de la scène finale. Le stoïque précepteur (sans doute le personnage le plus pur parmi tous ces êtres rongés par leurs sentiments) essaye toujours de protéger Miss Lyndon tant bien que mal. Elle ne vit plus, son passé est trop lourd et son amour irrationnel pour Barry ne peut la quitter. Et Lord Bullingdon est là pour transmettre éternellement une tradition. Il a fini par devenir comme son beau père qu'il détestait tant.
Le générique défile et je ne me sens pas très bien. Mais je sais que c'est ainsi que je veux me sentir maintenant et pour toujours, car je me suis rarement senti aussi vivant.
La Sarabande retentit.
yaya-dc
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le 8 avr. 2014

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