Du génie de Kubrick : Barry Lyndon
Autant le dire tout de suite, à mon sens, Kubrick est le meilleur réalisateur ayant jamais foulé des plateaux de tournage.
A la tête d'une filmographie ayant exploré des horizons divers, il a excellé partout avec une ambition et une profondeur qui devrait, dans un monde parfait, servir d'étalon à ne jamais minorer lorsqu'on s'attaque à un film, fût-il une pochade de comédie sans prétention ou une bourrinade d'action.
Ici, c'est la fresque historique à laquelle se frotte le maître.
Visuellement, c'est éblouissant, on ne le dira jamais assez. Inspiré entre autre des tableaux de Gainsborough, chaque plan est une composition parfaite, justement semée d'imperfections comme dans les plus grandes oeuvres picturales, baigné d'une lumière travaillée au cordeau, fragile, subtile, sublime (les scènes d'intérieur nocturne ont été éclairées uniquement à la bougie, une prouesse !), ceci des scènes de guerre farcies de figurants et de pyrotechnie à l'intimité intérieure.
Nous suivons l'itinéraire déshumanisant d'un homme qui fait son chemin dans le monde du XVIIIe siècle, perdant en route son romantisme de jeune homme pour devenir une ordure banale, un parvenu comme tant d'autres alternant l'ombre et des coins de lumière, notamment avec son fils. Un canevas classique sur le modèle "l'ascension et la chute de..."; magnifié par un sens de la péripétie et des rencontres étonnantes survolté, un vrai film d'aventures et de manigances.
Ici, le rôle principal est tenu par Ryan O'Neal, qui s'était illustré en jeune premier cinq ans auparavant dans Love Story. Un grand écart de composition, une composition et un choix d'acteurs déroutants : en l'occurrence, le type n'est pas charismatique, presque falot lorsqu'il joue son personnage jeune. Ce pari (un parti pris artistique, et non une erreur de casting) est gagnant, il renforce l'identification et l'aventure extraordinaire arrivée au gars ordinaire.
Si l'objet soutenu par un choix de musique (ici des chefs d'oeuvre du baroque, Schubert, Haendel,...) impeccable, comme toujours chez Kubrick, peut entièrement hypnotiser trois heures durant, cette longueur peu commune pourra dérouter voire ennuyer certains.
Mais si comme moi, vous êtes fasciné dès les premiers instants et les premiers plans somptueux que colore une voix off un peu amusée, presque cynique, alors vous serez fasciné comme jamais, c'est à parier.