"Les derniers instants de la vie d’un homme sont sublimes"
Un sentiment étrange me parcourt. J'ai beaucoup aimé le film, je le sais, mais il ne m'a pas autant bouleversé que ce que j'aurais pu espéré. C'est comme une impression d'inachevée, un sentiment sur lequel je n'arrive pas à mettre la main.
Barberousse est très certainement le film ultime sur les relations humaines et sur l'étude de cet animal si étrange qu'est l'être humain. Rarement je n'ai pu voir un réalisateur maîtrisé son sujet du début à la fin de son film, épousant à merveille le point de vu de son personnage principal, Yasumoto, personnage atypique qui entreprend un voyage initiatique qui bouleversera sa vision de la médecine et sa façon de pratiquer cet art.
Il va petit à petit oublier ses préjugés de jeune étudiant pour finir par regarder la vérité en face. Cette évolution va crescendo dans le film, partant du simple fait de laisser ses vêtements réguliers pour une tenue de médecin, jusqu'à accompagner les patients lorsque la mort leur tend les bras. Une mort parfois sereine mais surtout (et souvent) horrible. Il va accepter de voir la souffrance, non sans mal (il s'évanouit lorsqu'il doit assister à une opération sans anesthésie). Et en conclusion de ce voyage, Yasumoto va prendre conscience de la responsabilité d'une vie, celle d'une jeune fille muette que Barberousse récupérera dans un bordel.
La narration du film ne se concentre pas uniquement sur la relation du maître à l'élève. Yasumoto va, certes, découvrir que Barberousse est avant tout un médecin dévoué à ses patients, mais son apprentissage passera par l'intervention de plusieurs personnages, ce qui va permettre à Kurosawa de s'intéresser à la société japonaises. Il laisse ici la parole à ceux qui ne l'ont que rarement, nous étouffant avec la mort qui parcourt le destin de chacune de ces personnes.
La mort est partout dans cet hôpital, décor fabuleux, qu'elle soit intentionnelle ou non. Le vent qui souffle en continu apporte un message horrible, de mort et de souffrance, mais également d'espoir étant peut-être symbole d'un souffle de vie nouvelle.
Oui, ce film est d'une force impressionnante.
Il y a malgré deux points sur lesquels je voudrais revenir et qui m'ont empêché de mettre la note maximale. Tout d'abord, j'ai ressenti une baisse de rythme et, par conséquent, de tension au milieu du film, notamment sur le flash back de Sahachi. C'est dommage parce que le reste est vraiment bien mené, cette rupture nuisant donc au film.
Et puis il y a l'interprétation de Mifune. Attention, qu'on ne se trompe pas, je l'ai trouvé génial, toujours au top, une gueule qui en jette et un jeu épanoui. Mais son traitement du personnage ne m'a pas plus. Il faut savoir que ce n'est pas un hasard si l'association entre les deux géants du cinéma que sont Kurosawa et Mifune, n'est pas allée plus loin. Des tensions sont apparues sur le tournage entre les deux concernant le personnage de Barberousse. Et, la scène de baston ahurissante où le brave et gentil docteur casse la gueule à tout le monde m'a laissé froid. J'ai pas du tout accroché. Donc voilà, je retiens cette exploitation faussée, à mon sens, du personnage de Barberousse, comme étant un point négatif du film.
Il reste néanmoins que Barberousse est un petit chef d'oeuvre, que je trouve moins fort et moins puissant que Rashomon, mais qui pose les questions juste et dresse le portrait d'un jeune apprenti de façon très intelligente. Kurosawa signe des plans d'une composition impressionnante et d'une grande beauté, servi, il est vrai, par une photographie magnifique et semble avoir atteint un sommet en terme de mise en scène.
Barberousse restera un de ses plus grands films, probablement un de ses plus aboutis et duquel on sort avec un état d'esprit différent. La race humaine n'apparaît plus de la même façon après un film comme celui-ci.
Ceci étant dit, je n'ai toujours pas mis la main sur ce sentiment qui me parcourt...