Quand Michael Bay commença à faire exploser Hollywood

Pas facile d’assumer qu’on peut passer de bons moments devant certains films du décrié Michael Bay quand on se dit a minima cultivé en cinéma, mais puisque c'est le cas je vais essayer d'expliquer pourquoi à travers l'exemple de son premier film, bien que le réalisateur avait déjà un peu d’expérience dans la publicité. On y retrouve déjà défauts et qualités que l'on retrouvera souvent par la suite dans la plupart de ses productions, si l’on excepte son budget de « seulement » 20 millions de dollars, une limite budgétaire qu’il ne connaîtra quasiment plus jamais ainsi, très rarement en dessous des 100 millions.


Voyons en détails ce que je pense de cette première comédie d’action mettant en scène deux policiers aux méthodes musclées mais dans une ambiance décontractée sous le soleil de Miami et devant assurer la protection d’une demoiselle en détresse témoin d’un meurtre commis par un criminel impitoyable.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆


Deux flics blacks qui s'entendent comme chien et chat enchaînent les blagues pour paraître cool et les gros yeux pour se la jouer bad boys, vendu comme ça je comprends que ça puisse rebuter certains sans même en avoir vu une seconde. Néanmoins, je trouve que le duo Will Smith & Martin Lawrence sait se faire bien marrant, leurs deux styles de vie différents et stéréotypés qu'ils doivent momentanément échanger, le patron sur les nerfs qui les poussent au cul, l'interrogatoire gentil et méchant flic... donnent lieu à quelques bonnes blagues qui personnellement ont bien marché sur moi.


Michael Bay a très clairement avoué que c’était le cœur du film pour lui :

Avec ce genre de film, on doit se concentrer sur comment divertir avant tout et c’est pour ça que mon unique but c’était de faire un film marrant basé sur le charisme et le talent comique de ces deux grands acteurs que sont Will Smith et Martin Lawrence.

Des fois, ça peut même être l’un des acteurs qui fait de l’impro au second plan alors qu’il devait juste sagement attendre dans le script et de là des comiques de situation apparaissaient au montage final, comme Martin Lawrence qui se prend pour un boxeur émérite dans la salle de musculation en début de film alors qu’il n’était simplement prévu que l’échange verbal entre Mike et Max. Malheureusement, toutes les blagues ne sont pas réussies avec quelques blagues pipi caca du genre ils rentrent dans une maison avec un macchabée et l'un demande à l'autre s'il a pété, c'est un peu dommage.


Pour les autres personnages, il y a également quelques réussites à créditer au récit, en tête Fouchet incarné par Tchéky Karyo qui joue très bien son rôle de méchant calculateur et impitoyable avec un peu de jugeote et pas beaucoup de patience, un bon acteur français dans un bon rôle à Hollywood ce n’est pas si souvent que ça arrive, il faut en profiter. Téa Léoni fait assez bien le travail en victime séduisante mais qui veut en découdre même si je trouve dommage que le seul passage où elle est vraiment déterminée soit trop vite expédié, sans doute dans une volonté de toujours mettre en avant le duo principal.


C’est ce passage au night-club où elle vise Fouchet sans arriver à rien qui aurait pu être un peu mieux à mon sens. Par exemple, elle tire sur le mec qui reste impassible, démontrant son sang-froid alors qu’il regarde impassible la menace de mort qu'elle représente et est sauvé par une vitre pare-balle mais le bruit du coup de feu déclenche la panique et fait capoter le plan de nos deux flics. Au lieu de ça, elle se contente d'accompagner et de pimenter un peu l'intrigue sans non plus jouer un rôle marquant, il y avait mieux à faire du personnage qui est tout de même bien présente à l’écran, ne serait-ce que de lui laisser porter le coup final.


Il y a aussi quelques raccourcis scénaristiques pour faire évoluer l’intrigue, comme quand nos deux héros saisissent par pur hasard pour s’enfuir du night-club le camion qui devait transporter l’éther parmi tous les véhicules qu’ils auraient pu saisir sur le coup. Mais justement, ils en ont font des tonnes juste après sur la dimension insolite de la situation et assument complètement le soucis, ce qui est assez symptomatique du film : ce n’est pas très intelligent, voire un peu con, mais ce n’est pas grave tant qu’on peut en rire.


En fait, c’est une conséquence d’un choix budgétaire selon le réalisateur, étant limité sur la question, il n’y a eu que 10.000 $ alloués à la réécriture et ça pour le coup c’est une économie que je ne trouve pas très ingénieuse, même quand on peut compter sur la liberté octroyée à deux acteurs avec de réels talents pour l’improvisation et la comédie. Cependant, ça justifie complètement le parti pris du réalisateur qui vend son film avant tout comme étant un film de divertissement davantage porté sur l’action et sur l’humour que la qualité du récit.


On notera d’ailleurs que le film est exempt de propos politique alors que le réalisateur pourra très facilement être taxé de réalisateur de propagande pro-américaine et militariste par la suite par une partie du public dont je fais partie. Là, croyez-le ou non mais il n’y a pas de propos particulièrement paternaliste, militariste ou conservateur dans ce film. On peut toujours lui reprocher de jouer sur les clichés des noirs mais il peut toujours s’en défendre en disant qu’il a laissé le volant de l’écriture à ces mêmes acteurs noirs, donc moi je ne reproche pas trop.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆


Passant après des buddy movies policiers de la trempe de l’Arme Fatale, Bad Boys ne débarque pas avec une réalisation particulièrement révolutionnaire pour le genre mais avec des moyens corrects, une volonté décomplexée et quelques idées originales. Pour ce qui est de l'action, ça y va crescendo avec des coups de feu, des courses-poursuite à pied comme en voiture et des explosions en veux-tu en voilà avec une mise en scène efficace en comptant sur un montage dynamique et des ralentis esthétiques sans être jamais ni trop appuyés, ni insuffisamment pour une action assez jouissive.


C'est intense et ça pète de partout de plus en plus fort sans que les enjeux ne soient pris au sérieux. L’exemple du faux camion de glace avec tout l'éther à bord, c’est autant prétexte à semer quelques blagues que d’explosions pour la route, c’est tout à fait logique et le talent de Michael Bay pour la mise en scène se voit déjà, même à « petit » budget. La décennie qui suivra enterrera bien vite cette débauche de moyens par une surenchère toujours plus importante, au sein de la filmographie du réalisateur comme chez la concurrence, mais en remettant les choses dans leur contexte, c’était une réalisation de qualité honnête en 1995.


D’ailleurs, on retrouve déjà dans ce film plusieurs de ces petits gimmicks visuels pour toute sa filmographie, comme le plan à 360° au ralenti et en contre-plongée autour de ses protagonistes, le flash lumineux pour assurer la transition entre un plan rapproché sur le visage d’un personnage et ce à quoi il pense, les longs-plans sur les véhicules façon publicitaire… On peut bien sûr ne pas aimer, ce qui sera le cas d’une grande partie des critiques, mais on doit reconnaître que ça constitue une identité visuelle certaine et l’exercice est plutôt abouti.


Néanmoins, si le décor magnifique de Miami profite beaucoup au film qui a eu le bon goût d’y réaliser tout son tournage, certaines décors intérieurs secondaires ont été un peu bâclés et cachés par le montage rapide et les plans serrés du propre aveu du réalisateur pour essayer de masquer ces limites. S’il y a un compromis budgétaire à faire, et il y en avait, pourquoi pas là-dessus ? Ça ne me choque pas plus que ça, mais nul doute que c’est un des défauts objectifs les plus notables de cette réalisation.


L’OST réussit assez bien à retranscrire l’ambiance déjantée de l’univers et appuyer les phases d’action tout en ayant sa petite identité grâce à quelques mélodies répétées, mais rien de sensationnel bien entendu, les ambitions n’y étaient pas. Il en va de même pour le travail sonore dans son ensemble, ça fait le travail sans être particulièrement notable. Mais au bout d’un moment, cet ensemble de qualités limitées mais réelles donnent à mes yeux un résultat tout à fait correct et ma conclusion va le refléter.


CONCLUSION : ★★★★★★☆☆☆☆


Michael Bay n'a à aucun moment essayé de faire un chef-d’œuvre avec son premier film, seulement un film pop-corn divertissant et même si ça compte ses défauts, il en ressort un bon cocktail humour action relativement efficace dans l’ensemble. C’est limité par quelques blagues de bas étage, une écriture globale perfectible et des décors entachés par les limitations budgétaires. Mais ça reste un divertissement honnête, comme il en saura en faire d’autres par la suite dans la même veine.

damon8671
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le 29 mai 2023

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