Déconcertante dystopie brésilienne (on n'aura jamais autant utilisé ce mot depuis Black Mirror), que ce film au générique volontairement vieillot, aux scènes surréalistes et aux protagonistes déjantés. On n'appréciera assurément pas Bacurau pour sa finesse scénaristique ou sa beauté visuelle mais sous la première strate assez grossière du film, se révèle un niveau de discours qui interpelle le spectateur pour peu qu'il soit disposé à creuser. A la fois farce et SF sanglante, Bacurau, objet rocambolesque, cauchemardesque, presque grotesque, dépeint de manière « microcosmique » une société qui part en vrille et se met en péril victime d’une folie humaine aussi sournoise qu'implacable. C'est par un déluge de violence qu'une poignée de résistants répondent à la violence, spectacle de justice paradoxal et ironique, épilogue exutoire à la Tarantino, maestria en moins. Seuls au milieu d'on ne sait trop où, ces villageois à l'état de nature connecté, entre tradition, système D et modernité, défendent leur survie. Rester vivant d'abord face à des illuminés Américains, garder sa tranquillité et sa liberté ensuite, face à la mascarade politique locale à l'oeuvre, le problème de pénurie d'eau ou la propagation de la violence absolue, espèce de maladie auto-immune qui voit les hommes se détruire entre eux. Brésil vs Etats-Unis ? Extrême droite vs humanisme ? Autocratie vs mondialisation ? Révolte vs attentisme ? Dommage que la pagaille confuse que dégage le film l'empêche d'être plus percutant dans ce qu'il cherche à nous dire. On s’ennuierait presque.