
Il n'aura eu besoin que d'un film pour se faire remarquer, plaçant sur son nom, désormais familier, des attentes sans doute démesurées. Avec Oslo, 31 août, Joachim Trier touchait au sublime en donnant l'impression de réinventer le drame intimiste. Sur les bases du Feu Follet, il explorait, avec une étonnante acuité, les tourments de l'âme humaine entre spleen tenace et souvenirs pesants, décrivant notamment avec sensibilité l'impossible communication avec le monde. Pour son nouveau film, Back Home, il reprend les mêmes thématiques (souvenir, deuil, incommunicabilité) en espérant sans doute prolonger l'état de grâce. Seulement, Oslo est passé par là et plus rien ne sera comme avant.
En prenant la direction des Etats-Unis et en bénéficiant d'un casting prestigieux (Isabelle Huppert et Gabriel Byrne notamment), le cinéma de Trier perd en fraîcheur, ou en spontanéité, et tend à se couler dans le moule du cinéma indépendant US. On pense à Gus Van Sant durant ce film (certains dialogues allant même jusqu'à faire référence à ses films), un peu trop d'ailleurs et c'est bien dommage...
De ce cadre propret de la banlieue américaine jusqu'à la caractérisation des personnages (père largué, ado paumé...), Back Home donne immédiatement un sentiment de déjà-vu et exalte un certain conformisme que la mise en scène se garde bien de troubler. Les effets sont parfois pesants (ralenti, voix off), réussissant l'exploit de gâcher le potentiel dramatique de certaines séquences phares (comme celle de l'accident). Quant aux élans poétiques, ils semblent être indexés sur ceux du film précédent ou sur écrit pour l'occasion, renforçant l'artificialité de l'ensemble. Joachim Trier a beau s'appliquer afin de retranscrire à l'écran le mal-être de ces hommes, un père et ses deux fils, privés d'une épouse ou d'une mère, il ne parvient jamais à transcender son histoire. La faute notamment à une narration inutilement complexe qui fait d'incessant aller-retour entre passé et présent et tend à mettre un peu tout sur un même plan d'égalité : la dépression, le poids du secret, le mal-être adolescent, la solitude, etc. L'impression de suivre un simple catalogue de la crise familial perdure, les thèmes ne sont qu'effleurés lorsqu'ils ne sont pas maladroitement abordés (la thématique de l'œdipe frise le ridicule avec le passage du préservatif maternel périmé).
Back Home peut toutefois s'appuyer sur des acteurs bien investis dans leur rôle.
Le jeune Devin Druid séduit par sa spontanéité et Huppert brille en femme fantôme à l'émotion à fleur de peau. Quant à Gabriel Byrne, il se contente du minimum et peine à véhiculer de l'émotion, mais on lui doit notamment quelques jolis moments comme cette scène où il tente d'établir la communication avec son fils par le biais d'un jeu vidéo avant de se faire tuer virtuellement. La réussite de cette séquence, où l'humour badin brille à l'écran, est d'ailleurs révélatrice du trop grand sérieux du film. À quelques exceptions près, Trier se contente de rester coller à son script sans pouvoir insuffler dans son film un peu de légèreté, de poésie ou de grâce tout simplement. C'est lorsqu'il y parvient enfin que son film devient passionnant, le temps d'une séquence onirique, au clair de lune, où se confondent émoi adolescent et élan nostalgique ; ou lorsque le cadet de la famille ouvre son cœur au détour d'une simple page word.