Le nouveau film de Cédric Jimenez aurait dû être l'événement de décembre 2020, il sera finalement le film poil à gratter de l'été 2021. Et pour cause, la polémique augmente depuis son passage cannois, certains évoquant un film bien de droite, d'autres un film pro-flics, quelques uns un film de plus sur la vilaine banlieue. Essayons de tempérer un peu tout cela.
Jimenez s'est basé sur un fait-divers survenu en 2011 avec des policiers de la bac de Marseille Nord coincés dans des affaires de corruption. Une affaire qui est toujours en cours, puisqu'un second procès est en approche. Toutefois, le film prend ses distances avec l'histoire en présentant seulement trois policiers réellement impliqués contre au moins 18 personnes dans la réalité. Idem en changeant les noms des policiers.
Bac Nord aurait pu se contenter de montrer la police sous des airs élogieux. Mais curieusement les trois policiers présents ne sont pas irréprochables, faisant des interventions quand ça leur chante, alimentant le trafic de drogue à leur manière (parce que le personnage de Kenza Fortas n'a pas un business qui marche par miracle) et ne sont pas non plus des anges sur le terrain à coups de baffes et autres joyeusetés. De même, l'institution n'est pas montrée sous un beau jour. En plein scandale, les policiers sont mis en pâture par des gens ayant tout fait pour qu'ils fassent ce qu'ils ont fait, à coup d'opérations clandestines et de politique du chiffre. Le tout sans forcément plus de moyens à disposition ou alors pendant un temps avant que cela ne s'étiole au fil des mois. Pendant ce temps, les trafics continuent, juste un peu endommagés par quelques opérations médiatisées.
Certes la banlieue nord de Marseille n'est pas montrée sous un beau jour, ressemblant fortement à des cartels de la drogue avec ce qui va d'assassinats en pleine rue et de liquidations crapuleuses avec corps dans des voitures brûlées. Mais les événements survenus ces dernières semaines semblent confirmer qu'il y a un sacré problème qui perdure depuis longtemps là-bas et que les moyens pour lutter contre sont assez peu présents. Ce qui ne veut pas dire que Jimenez montre la banlieue de manière négative. Juste qu'il y a la réalité du trafic et qu'on peut difficilement donner une vision sympathique de la chose.
Bac Nord montre bien que certaines interventions sont difficiles pour la police et qu'il faut limite y aller avec de gros calibres pour ne pas finir dessoudé. L'assaut de l'immeuble où se trouve principalement la drogue se révèle particulièrement intense et quasiment en temps réel, montrant un chaos frappadingue jusqu'à la sortie même du quartier. Et ce malgré que Jimenez gâche la plupart de ses scènes d'action avec une shaky cam absolument dégueulasse. Heureusement tous les plans ne sont pas dans ce cas et ils apparaissent surtout lors des moments de course à pied, mais on aurait clairement préféré une meilleure lisibilité de l'action dans ces moments de tension.
De même, on repassera sur l'accent marseillais de François Civil, là où les autres sont plus naturels et Adèle Exarchopoulos hérite d'un rôle un peu trop ingrat (celui de la compagne policière qui prend un peu plus de place vers la fin). Ce qui n'empêche pas le casting d'être globalement appréciable dans son ensemble.
Jimenez signe donc un polar nerveux, sous tension et plus nuancé que ce que certains voudraient le penser. Puis le film, bien que basé sur des faits, reste une fiction policière convaincante et haletante.