À l'heure actuelle, La La Land est numéro 1 parmi mes dix films préférés. Parce que franchement j'ai beau faire au mieux pour regarder des films variés depuis 2017, rien ne parvient à me toucher autant que ce film-là, même si objectivement ce n'est évidemment pas le plus grand film de tous les temps. Le cœur a ses raisons que la raison ignore après tout.


Ça partait franchement bien pour Babylon. J'ai adoré la B.O. que j'ai écouté il y a quelques jours, la distribution donnait carrément envie (Margot Robbie, Brad Pitt et Tobey Maguire, c'était quand même prometteur) mais Damien Chazelle a préféré faire n'importe quoi avec de si bonnes choses entre les mains.


Il a une façon de traiter les personnages bien à lui dans ses films et qui fait mouche à chaque fois pour ma part : ce sont clairement des personnages-fonction mais pour lesquels on ressent de l'empathie. Ils vont se démener pour accomplir quelque chose et pour y arriver, ils ont dû faire un sacrifice ou ont perdu quelque chose, un élément indispensable à leur réussite. C'est cruel et ça vante un genre de message de méritocratie un peu rance, mais Chazelle arrive à mettre ça en scène de façon suffisamment convaincante pour que ça marche sur plein de gens dont moi.


Dans Babylon, on suit trop de personnages et surtout Chazelle va pousser à fond les potards de la vulgarité pour essayer d'en tirer un message, en vain. Alors désolé je préviens d'avance, je ne mets pas de balise spoiler. Je ne vais pas trop entrer dans les détails, mais j'ai besoin de parler des points qui me dérangent et forcément, quand on a pas vu le film, ça ne va pas être très clair.


Le personnage de Jack n'aurait tout simplement pas dû être dans ce film déjà, ça aurait été plus digeste. Il fait doublon avec celui de Nellie avec lequel on passe beaucoup de temps à l'écran mais dont Chazelle finit par se désintéresser complètement en fin de film. On a d'un côté une jeune actrice au passé douloureux qui va devenir accro à la coke, mal supporter le passage au cinéma parlant et qui va devenir ringarde, oubliée des spectateurs, pour finalement connaitre une fin tragique. De l'autre on a un acteur alcoolique qui va mal supporter le passage au cinéma parlant et qui va devenir ringard, oubliée des spectateurs, pour finalement connaitre une fin tragique. Fallait en faire un seul personnage et donner à Nellie la relation que Jack a avec la critique de cinéma, Elinor, pour que Chazelle puisse quand même caser dans le film ses répliques qui nous disent que le cinéma n'est pas un art mineur et toute la magie des films qui perdurera à travers le temps. Ensuite, il y a le personnage de Sidney qui est survolé alors qu'il y avait matière à en tirer quelque chose et que l'acteur est bon, mais c'est celui qui s'en tire le mieux, c'est vrai que ça aurait été dommage de s'y intéresser. Enfin, il y a celui de Manny, sur lequel Chazelle décide de se pencher un peu trop sur le tard. Le gars sert vaguement de fil rouge pendant les deux premières heures et devient le protagoniste lors de la dernière, tout en éludant ce qui intéressait le spectateur : ce qu'il a vécu avec Nellie. Bon il y a aussi Fay Zhu qui est peu développée mais n'est pas très passionnante de toute façon... J'ai vraiment eu l'impression que Chazelle essayait de mettre le maximum de personnages dans son film pour espérer que le spectateur porte de l'intérêt à l'un d'eux dans le pire des cas, comme il sait que la plupart sont insupportables.


Le résultat de tout ça c'est qu'on se fiche de ce qui arrive à ces gens ou des péripéties qu'ils traversent.


Chazelle veut démystifier Hollywood, refaire un Chantons sous la pluie dénué de grâce et de subtilité pour avoir le plaisir de choquer le bourgeois. Mais il ne dit finalement pas grand chose de l'industrie. Bon d'accord, il y a des morts sur les tournages et lors des fêtes hallucinantes qui ont lieu le soir, mais ça ne gêne pas grand monde. Et puis il y a une réalisatrice aussi qui n'a aucun souci à enchaîner les films dans ce milieu, dans les années 20-30, puisque c'est elle qui dirige le personnage campé par Margot Robbie pendant la moitié du film. Ça me parait gros et aucun propos n'en ressort, alors que bon quand on s'intéresse un peu au cinéma, on constatera qu'à part Alice Guy, des réalisatrices de cette période dont on parle encore parce qu'elles ont réussi à se faire un nom, il n'y en a malheureusement quasiment pas.


Ok c'est marrant deux minutes le caca, le vomi, le pipi, les seins, les fesses, le sexe, mais faut doser un peu parce que c'est vite lourd. On a pas un Baz Luhrmann pour filmer les scènes de fête et ça se voit, c'est trop frénétique pour pas grand chose. Et comme dans 99% des scènes d'orgie filmées pour Hollywood, ce qui se passe à l'arrière-plan est grotesque. Ça fait beaucoup d'efforts pour des scènes qui ne marqueront pas le spectateur. On peut quand même remercier Jason Hurwitz pour sa musique qui rend ces passages supportables. Le coup de l'éléphant et du serpent, qu'est-ce que c'est long et faussement subversif, on a quand même un film qui dure trois heures et s'attarder autant là-dessus plombe le rythme. La caméra virevolte trop dans tout un tas de scènes, souvent pour dynamiser ce qui aurait dû être de simples champs/contrechamps, mais c'est plus épuisant qu'autre chose. J'ai trouvé le montage souvent mal pensé. À la limite il y a toutes les scènes de tournage où ça se justifie, pour accentuer la répétitivité, mais le reste du temps c'est très artificiel. Dans la série "Damien Chazelle a chopé le melon", il y a aussi le personnage de James McKay campé par un Tobey Maguire qui n'a pas dormi pendant trois semaines juste pour qu'on ait une scène de freak show immonde et que le réalisateur puisse se vanter d'être capable de racoler de la sorte. Bon là encore, n'est pas David Lynch qui veut, donc c'est long pour rien, ça débarque de nulle part et c'est lourd.


Mais pour reprendre le parallèle avec Chantons sous la pluie, le problème c'est que Chazelle en est fier et nous le montre frontalement. Non content de pomper le film, il met en parallèle ses propres scènes avec le film de 1952 sous nos yeux, pour bien nous montrer qu'il est content d'avoir réinventé l'eau chaude. Il tente alors de nous refaire une scène forte comme dans La La Land, celle où on voit un destin alternatif des personnages qu'on suivait depuis le début. Sauf que cette fois c'est le rapport du spectateur au cinéma qui intéresse le réalisateur et c'est aussi prétentieux que maladroit, même si ça aurait pu être une belle idée. On voit donc 120 ans de cinéma défiler sous nos yeux : Méliès, Godard, Ben-Hur, Matrix, Avatar, j'en oublie évidemment. Et après il nous fait du sous-Gaspard Noé en essayant de déclencher une crise d'épilepsie chez un malheureux photosensible qui aurait eu la pauvre idée de mettre les pieds dans une salle de cinéma pour voir Babylon. Diego Calva a beau être un bon acteur, avec la musique très pompeuse sur ce passage qui l'est déjà à travers les images, l'émotion n'est pas du tout au rendez-vous. Dans un sens c'est normal : comment peut-on espérer faire passer un message d'amour du cinéma avec un film qui le déteste ?


Je suis rarement énervé à cause d'un film, mais là ça me fait mal parce que je me retrouve face à des acteurs que j'aime bien filmés par un réalisateur que j'aime bien.


GuillaumeL666
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le 27 janv. 2023

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Guillaume L.

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