En bon businessman, James Cameron sait, comme peu d'autres, ne pas lâcher une idée rentable. Qu'on songe que sa carrière est composée à presque 50% de suite (Piranha 2, Alien 2, Terminator 2, Avatar 2 sans oublier son scénario pour Rambo 2), ce qui, si on ôte le remake (True Lies) permet à tout observateur neutre d'affirmer que sa filmographie comporte très peu d'idée neuve ou propre.
Ses fans, (beaucoup trop) nombreux objecteront qu'Abyss, Terminator, Titanic ou Avatar sont pour le coup de sacrées bonnes propositions originales, ce qui est assez facilement réfutable: dans chacun de ces cas, des idées recyclées et transposées avec, certes, un savoir-faire indiscutable (dans l'ordre: E.T. sous la mer, n'importe quelle nouvelle de SF des années 50, une histoire vraie et Pocahontas dans l'espace).


D'où la place -à mon sens singulière- de l'homme dans l'histoire du cinéma. A l'instar d'autres "grands noms" (contemplez la taille de mes guillemets) dans leur domaines (en France: Besson ? Goldman?), il appartient pour moi à la catégorie des bons artisans (au sens pourquoi pas noble du terme), à celle de l'excellent "faiseur", plus qu'à celle d'artiste. Précisément pour la trop faible dose de vision propre qu'il aura su imprimer à son œuvre. Et sans vouloir faire mine de cracher sur une liste de blockbusters qui ont largement remplis les salles de la planète entière depuis près de 4 décennies, j'explique pour grande (immense ?) partie son succès par la qualité visuelle de ses spectacles: T2, Titanic ou Avatar ont à chaque fois marqué une étape dans l'histoire des effets spéciaux du septième art.
On est d'accord, ce n'est pas rien.


Cette fois encore, le recyclage bat son plein.
On a pu louer jusque sur ce site, de la part même de plumes amies, la "convocation de ses obsessions de ses films précédents". Ce qui reste gage de qualité ou a minima éminemment respectable pour un grand auteur, devient ici réutilisation en abime: les admirateurs de Cameron louent donc le fait qu'il continue à user de vieilles recettes qu'il n'a même pas contribué à créer au départ. Jusqu'à regretter qu'il n'ait pas cette fois-ci mis en scène la sempiternelle figure de femme forte, commune à tant de tâcherons de ces dernières décennies (salut encore Luc B.!), oubliant sans doute qu'avant d'être un manifeste féminin, l'archétype Cameronien provient d'un simple désir geek d'associer des boobs à un gun, et ainsi satisfaire deux désirs primaires dans une même image.


A côté de ce réemploi géant forcément un peu morne, l'écriture de Cameron est d'un manque d'originalité consternante: chez Besson (décidément ! C'est amusant comme les points communs abondent entre les deux hommes), les créatures de milles planètes ont toutes l'humour de Luc. Chez Cameron, les Na'vi n'ont même pas l’exotisme d'une peuplade d'Amazonie. Ils pensent, parlent, rient et pleurent comme des américains (ou des canadiens) d'une banlieue de classe moyenne.
Comme un James, quoi.
Aucun cliché mille fois ressassé ne nous est épargné: de crises adolescentes rebattues à l'acceptation rigoureuse d'une famille (tribu / clan… etc) par une autre, de la phase d'entrainement repompée ad nauseam jusqu'à l'exposition paresseuse d'une troupe de militaires, Avatar 2 ressemble à un worst-off en mode automatique.


Entre autre (multiples) problèmes de ce non-scénario totalement dédié à un visuel parfois plaisant, la décision de consacrer trois -putains-d'heures à une trame aussi vide. Les marines avaient donc prévus de cloner le méchant du premier opus pour… juste pouvoir se venger. Point.
Quand Sully et sa famille décident de se planquer, quelle est possiblement la motivation de l'armée ? Si les humains décidaient d'exploiter la planète très loin de ce Sully qui ne désire que de vivre en paix et en famille, quel est le besoin d'affrontement ? (ramenée à la terre, le fil narratif qui nous est proposé est que Quaritch décide de se poser à Melun, précisément ou habite Sully. Alors que si lui et l'armée choisissent l'équivalent de l'Amérique latine ou l'Asie mineure, par exemple, pour opérer, il n'y aurait pas d'histoire).
Trois longues et laborieuses heures de "les méchants, qui sont particulièrement gratuitement méchants, traquent nos héros qui étaient si fabuleusement heureux sans cela"' pour déboucher sur un final grotesque. -SPOILS- Entre un fils qui décide de garder en vie le type qui a amené le chaos et la destruction chez tous les gens qu'il aime pour qu'il puisse remettre le couvert gratuitement dans Avatar 3, et cet autre qui meurt pour la simple raison d'apporter une scène d'émotion, le manque d'inspiration commence déjà à sentir l'arnaque joliment enrobée d'images de synthèse chatoyantes (sans parler de la récurrence des situations, avec multiples mise en danger des enfants du héros…)
Et puis arrive le pompon.
Ce grand suspens final qui consiste à savoir si des personnages qui ont appris a passer des heures sous l'eau sans respirer vont se noyer après quelques minutes passées coincés dans un bateau qui coule.
C'est bien ça le grand enjeu final qui est sensé nous tenir en haleine presque une demi-heure ?
Non, je pose juste la question comme ça.

guyness

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