En 2009, James Cameron nous invitait sur la planète Pandora. A se perdre dans sa jungle et à s'envoler à dos de dragon, en éprouvant une véritable ivresse des hauteurs.


Il proposait ce que l'on appelle une expérience de cinéma, en mettant à profit une trois dimensions impressionnante, qui sera reprise à ce niveau de perfection en de trop rares occasions.


En 2009, James Cameron avait déjà vingt ans d'avance sur tout le monde.


Avatar : La Voie de l'Eau, en 2022, en renouvelant cet état de grâce, relève du miracle. Même si vous en trouverez toujours qui feront la fine bouche, qui en ridiculiseront sans doute certains enjeux. Ou vous parleront de cinématiques Playstation 2. Soit tous ceux à qui on ne la fait pas, et qui vous mettront en avant leur bon goût infaillible, histoire de se rassurer sur leur statut de cinéphile, ou de l'affirmer à qui veut bien y croire.


Car même si l'effet de surprise est un petit peu dissipé, James Cameron continue d'enchanter ses images, de proposer du jamais vu à son public, de développer ses mondes imaginaires jusque dans leurs plus petits détails et de livrer une technique sans faille.


En 2022, le monde de Pandora demeure synonyme d'immersion totale, dans tous les sens du terme. Toujours en trois dimensions, et avec le HFR, cette nouvelle pulsation d'image boostée qui a tendance à gommer le ressenti cinéma, ce que même Peter Jackson, à l'occasion de sa trilogie du Hobbit, ou Ang Lee, avec Gemini Man, n'avaient pu éviter.


Mais James Cameron n'est plus à un défi près : car La Voie de l'Eau abolit tout simplement cette sensation de perfection outrancière en quelques secondes, plongés que nous sommes de manière immédiate dans sa dernière folie, qu'il transforme littéralement, en plus d'une occasion, en un rêve lucide aux proportions tout simplement ahurissantes. Les prises de vue sous-marines, quant à elles, se montrent tout simplement enchanteresses, en forme de fenêtre ouverte sur un nouvel eden propice à la métaphore de la renaissance. Un eden au rendu extraordinaire, au réalisme fou et des plus tangibles.


Après avoir défié les cieux, ce nouvel épisode d' Avatar donne envie d'éprouver l'ivresse des profondeurs à la beauté sidérante et riche. Il réaffirme l'empreinte laissée par son univers sur l'imaginaire collectif, tout comme la fougue d'éternel jeune homme du réalisateur canadien, ou encore son sens du détail maniaque.


Un soin qui exsude à chaque scène d'action, toujours plus millimétrée, toujours aussi prenante et faisant retenir son souffle, tant la sensation de danger prend à la gorge.


Ainsi, le grand spectacle tutoie à nouveau des sommets que l'on ne pensait sans doute plus accessibles aujourd'hui, sans pour autant oublier les sensations de vérité, de vie, ou encore les émotions mises en scène à l'occasion d'une noyade tout droit tirée d' Abyss, de la claustrophobie intense de coursives que l'on jurerait issues du Titanic ou d'une séquence de pêche cruelle, voyant un James Cameron clairement désespéré dans son message, comme si son émerveillement de 2009 n'avait servi à rien.


Là réside l'âme intime de l'entreprise, qui ne serait pas grand en se contentant de miser sur la perfection technique. Le coeur bat, l'urgence cogne, tout en exhumant des images du passé, qu'il s'agisse du traitement réservé à des natifs rappelant les indiens d'Amérique, ou encore des chasses mythiques à la baleine pour quelques gouttes d'huile ou d'ambre. Pacifisme remis en cause, folie des hommes courant vers l'autodestruction, personnage principal annonciateur de l'apocalypse, James Cameron semble s'inscrire dans un nouveau cycle.


Mais ce qui constitue sans doute l'ultime tour de force du film, c'est que ce pessimisme ne contamine jamais l'aspect merveilleux, quasi féérique et immersif de l'environnement et de l'univers d' Avatar, qui continue de tisser son incroyable mythologie en forme de saga gigantesque, de grand spectacle après lequel il est difficile de revenir à la réalité.


Décidément, James Cameron a toujours vingt ans d'avance sur la concurrence.


Une deuxième séance ne dissipe en rien le plaisir de l'expérience, qui demeure archi spectaculaire et prend aux tripes, que ce soit lors de la traque acharnée menée par un prédateur, obligeant sa proie à s'enfoncer dans un labyrinthe corallien, ou lors d'une course poursuite virevoltante dans un champ d'algues.


Cette deuxième séance, débarrassée de l'attrait de sa cosmétique, des attentes, des appréhensions et des impatiences permet par ailleurs de dépasser l'apparente facilité d'un scénario que l'on juge à loisir pauvre et paresseux. Le fait que les enfants des héros et du méchant soient introduits n'y est sans doute pas pour rien.


Mais il y a bien plus à retenir de La Voie de l'Eau que le réchauffé micro-ondé, le sentiment de "pareil au même" qui peut parfois vous être décrit.


Car Jake Sully est tout d'abord privé de son statut de héros et de chef de guerre, pour être ravalé à une simple fonction de père qui se montre incapable de protéger sa famille autrement que dans une fuite qui n'aura rien de salutaire, en s'inscrivant dans l'importation du conflit, propice au rejet et au racisme des autochtones.


Le nouvel affrontement entre Jake et Quaritch, lui, voit s'opposer non pas deux guerriers en lutte pour l'appropriation ou la préservation d'un monde, mais deux pères inscrits dans une certaine forme d'échec face à leurs enfants, faisant gagner au passage une certaine épaisseur au Marine qui a perdu à la fois son protégé et son fils naturel.


Et si les relations entre les deux fils de Jake peinent parfois à sortir des stéréotypes, James Cameron réussit à les inscrire cependant dans une vérité émotionnelle parfois désarmante.


Mais les adjonctions les plus efficaces de cette suite tardive demeurent les personnages de Kiri et de Spider, qui élargissent le spectre des relations avec l'univers que le réalisateur canadien a défini en 2009. Soit deux enfants en marge de leur monde respectif et que leur différence semble pousser dans les bras l'un de l'autre.


Kiri s'impose comme un personnage mystérieux, posant de nombreuses questions qui animeront sans doute les prochaines suites. Le fait qu'elle ressente les pulsations d'Eywa de manière bien plus puissante que les natifs, malgré son statut d'avatar de synthèse n'est pas la moins passionnante. Tout comme son apprentissage éclair de la voie de l'eau. Les scènes où elle évolue en symbiose avec son environnement, tout comme celles de son frère cadet, exaltent toute la puissance d'immersion du film et son enchantement face à la beauté et la fragilité de la nature telle qu'envisagée par James Cameron.


Spider, lui, représente le seul rôle humain important du film. Décrit comme un chien vagabond dès le prologue, qui cherche à s'inscrire dans la communauté des Na'vis et dans la famille Sully. Soit un jeune garçon rejetant sa condition mais qui, dans un même mouvement, ne sera jamais un natif. Tout comme un fils rejetant viscéralement son père, avant, dans un geste contradictoire, de revenir vers lui, qui ne l'a jamais trahi au contraire de la mère de sa famille d'adoption.


Rejetant sa nature, mais réalisant qu'il ne sera jamais totalement accepté par sa société d'adoption, Spider, personnage tiraillé, sans racines, se tient au carrefour de certains noeuds dramatiques plein de promesse pour la suite de la sage qu'il me tarde d'explorer, dans un univers que James Cameron n'a sans doute pas fini d'enrichir, de développer et de porter.


Se perdre dans la jungle impénétrable de Pandora, ou explorer à nouveau ses riches profondeurs turquoises, sera à coup sûr une source de magie et d'enchantement cinématographiques dans les années à venir.


Behind_the_Mask, du bleu plein les yeux.

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