C'est indéniable, nous nous attaquons là à l'un des meilleurs films de tous les temps. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'American Film Institute (AFI), dans le classement des cent meilleurs films américains de l'histoire du cinéma (AFI's 100 Years...100 Movies).


Autant en emporte le vent traverse les époques et fascine toujours autant. Qu'on aime ou pas le film, il faut reconnaître que c'est la plus grande réussite de l'âge d'or d'Hollywood, réunissant un producteur fou, un réalisateur chevronné, une pléiade d'acteurs stars, un compositeur de génie et des créatifs talentueux unissant leurs forces (responsables des effets spéciaux, costumiers, directeur artistique ...). Autant en emporte le vent représente un saut monumental dans l'industrie du cinéma des années 30/40, au même titre que le King Kong de 1933. Le Titanic de James Cameron n'y changera rien, c'est encore aujourd'hui considéré comme la plus grande histoire d'amour de toute l'histoire du cinéma ... et à juste titre (et là c'est moi qui le dis).


Autant en emporte le vent est une hydre à trois têtes, celles du producteur David O. Selznick, de l'auteur du roman Margaret Mitchell et du réalisateur Victor Fleming. Nous sommes au début des années 1860, dans l'avant et l'après guerre civile américaine entre les Etats du Nord abolitionnistes et les sudistes pro-esclavagistes. On pourrait donc penser que les horreurs de la guerre de Sécession sont le thème principal du film, mais en fait pas vraiment. Dans Autant en emporte le vent, la guerre civile américaine n’est qu’un décor de fond, toujours présente en arrière plan, mais jamais montrée au premier plan.


C'est Scarlett O'Hara (Vivien Leigh) qui est au centre de l'histoire, étant présente dans 99% des plans du film. C'est une jeune sudiste passionnée, opportuniste et capricieuse, qui vit presque toute sa vie dans une illusion d’amour. Elle a pour objectif de conquérir le cœur d'Ashley Wilkes (Leslie Howard) le mari de sa cousine Mélanie (Olivia de Havilland). Elle pense qu'elle ne sera heureuse, que lorsqu'elle aura atteint son but. Quant à Rhett Butler (Clark Gable), c'est un personnage très charismatique, rusé et surtout très controversé ... c'est en quelque sorte l'alter ego masculin de Scarlett. D'ailleurs, il n'aura d'yeux que pour elle, fasciné par sa force de caractère et son tempérament de feu.


C'est lors de ce second visionnage du film, que j'ai réalisé à quel point Scarlett est un personnage égoïste et narcissique, dont le comportement se rapproche du sociopathe. Elle manipule tous les hommes et parfois même les femmes qu'elle rencontre, si ça lui permet d’atteindre son objectif. Elle est capable de tuer froidement un homme, sans que ça semble la toucher. Pour le profit, elle n'hésite pas à exploiter des prisonniers, plutôt que d’embaucher des hommes libres. Et même quand ses actions semblent être désintéressées et au service du bien (sauver la vie de Mélanie), en réalité ces actes ne sont jamais faits sans arrières pensées et sont généralement faits dans son intérêt personnel. On pourrait penser qu’avec un caractère aussi déterminé (et une force de caractère impressionnante) elle finisse par réaliser tout ce qu’elle voulait, mais ce n’est pas le cas.


Scarlett vit dans un enfer qu’elle a créé elle-même et ce n’est que lorsque le dernier obstacle à son grand amour disparait, qu’elle se rend compte que pendant tout ce temps, elle a vécu dans l’illusion de l’amour. Elle se rend compte qu'elle a fait du mal aux seules personnes qui l'aimaient, mais maintenant c'est trop tard. Scarlett est-elle une personne horrible ? Probablement ! Va-t-elle payer pour ses péchés ? Oui, plus que quiconque ! On est en plein dans la tragédie comme dans Guerre et Paix de Tolstoï (à voir absolument l'adaptation de 1956 avec Henry Fonda et Audrey Hepburn, ainsi que la version très personnelle de Woody Allen avec Diane Keaton) avec un travail monumental sur le développement des personnages. Toutes les scènes qui dénoncent les horreurs de la guerre et du racisme, s’effacent devant l'enfer personnel que vit Scarlett.


On dit que Margaret Mitchell a écrit le livre avec Clark Gable en tête dans le rôle de Rhett Butler. Pendant la majeure partie du film, il joue tout en sobriété un personnage plutôt charmant et toujours dans le contrôle de lui même. Mais quand arrive la dernière demi-heure du film, alors que son personnage frôle la folie, le grand Clark Gable prend enfin vie sous nos yeux. Personne d’autre que lui ne pouvait jouer avec une telle flamboyance, cet homme déchiré entre sa loyauté à la cause du Sud et son sens de la décence. Son amour pour Scarlett, la femme qu’il sait amoureuse d’un autre, parle de lui-même.


Si Margaret Mitchell savait qui elle voulait pour incarner Rhett Butler, personne ne savait (même pas elle) qui pourrait incarner Scarlett O'Hara. La recherche d'une Scarlett, c'est l’une de ces plus grandes légendes d'Hollywood. Toutes les actrices entre 20 et 35 ans, à l’exception peut-être de Carole Lombard et de Joan Fontaine, ont dû auditionner pour le rôle ... à commencer par, images d'archives à l'appui, Betti Davis (elle aurait été parfaite pour le rôle), Tallulah Bankhead, Joan Crawford, Katharine Hepburn, Barbara Stanwyck et bien d'autres. Le tournage a même commencé sans avoir trouvé de Scarlett, car la célèbre séquence d'incendie à Atlanta a été tournée en premier avec des doublures.


Alors qu’il était dans l'impasse, David O. Selznick a choisi Vivien Leigh pour incarner Scarlett, une actrice britannique alors inconnue, ou tout du moins aux États-Unis ... et ce fut un coup de génie. Vivien Leigh, alors compagne de Laurence Olivier, est une actrice de théâtre (tout comme Tallulah Bankhead) et ça se voit à l'écran. Son jeu est très théâtral, ce qui sert magnifiquement un personnage aussi grandiloquent que Scarlett. Autant en emporte le vent est plus un film à la gloire de Scarlett O'Hara que de Rhett Butler. C'est son histoire, celle d'une jeune et belle sudiste, libre et entreprenante (et donc très moderne pour l'époque), déterminée à survivre dans le style de vie auquel elle s’était habituée avant la guerre.


Les deux autres stars du film sont Olivia de Havilland et Leslie Howard. Olivia de Havilland est parfaite dans le rôle de la cousine Mélanie. Mélanie restera toujours fidèle en amitié avec Scarlett, celle qui pourtant va tout faire pour saper son mariage avec Ashley. J’ai toujours pensé que les rôles les plus difficiles à jouer pour un acteur, ce sont les modèles de vertu. Mélanie appartient à cette catégorie, car compatissante et d'une certaine manière assez fragile. Mélanie est le contrepoint parfait de Scarlett, un personnage d'une incroyable gentillesse et de décence, qui ne voit de mal chez personne. Ainsi, elle épouse la cause des confédérés. Il ne s’agit pas de politique ou d’esclavage pour Mélanie, son mari est en guerre et sa cause est la sienne.


La scène finale où Mélanie est allongée sur son lit de mort, en présence de Scarlett, est magnifique. C’est un grand hommage à l’habileté de jeu d’Olivia De Havilland dans la mesure où Mélanie n'est pas dupe des agissements passés de Scarlett, ce n'est pas une victime.


Olivia De Havilland était d'abord envisagée pour incarner Scarlett, mais a finalement décidé d'endosser le rôle de Mélanie qui lui correspond mieux. Elle a d'ailleurs obtenu sa première nomination aux Oscars pour son rôle de Mélanie dans la catégorie Actrice de second rôle, mais perdra face à Hattie McDaniel qui joue la bonne de Scarlett.


Leslie Howard est parfait dans le rôle d'Ashley. Il donne un semblant de crédibilité à un homme amoureux de sa femme, mais qui n'est pas insensible aux charmes de Scarlett. J’ai toujours pensé que la scène clé du film, c'est quand Ashley dit à Scarlett qu'il allait épouser Mélanie. Scarlett se sent humiliée, puis se ridiculise quand elle découvre que Rhett Butler a tout entendu. Des quatre personnages principaux, c'est Ashley qui semble le plus subir les évènements. Et pourtant, c’est lui qui s’enrôle à contrecœur dans l’armée confédérée, tandis que Rhett Butler toujours aussi cynique, profite de l'effort de guerre pour gagner beaucoup d’argent (avant de se racheter un peu plus tard).


Je lis beaucoup de commentaires ici même sur senscritique, qui expriment leurs objections sur la façon dont les relations raciales sont montrées dans le film. Mais revenons en 1939, lorsque le film est sorti sur grand écran, il parle du passé pas trop lointain où toutes sortes d’atrocités, tel que l’esclavage, étaient la norme chez les sudistes. Bien que ces choses soient répugnantes, elles sont réduites au minimum dans le film. Après tout, ce film est basé sur un livre dont l'auteur Margaret Mitchell est une fille des Etats du Sud. Elle raconte l’histoire telle qu’elle la voyait dans son esprit. Scarlett est à son image, Scarlett c'est elle dans son esprit.


Autant en emporte le vent a remporté tellement d’Oscars en 1939, que ce serait trop long de tous les énumérer. Bien sûr, il remporta l'Oscar du meilleur film et Vivien Leigh remporta le premier de ses deux Oscars pour la meilleure actrice. Autant en emporte le vent est sans aucun doute l’une des plus grandes merveilles de l'âge d'or d'Hollywood, un film qui témoigne de l’intemporalité du cinéma et de son potentiel illimité. C'est un chef-d'œuvre absolu, c'est un film 10 étoiles.

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le 31 juil. 2022

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lessthantod

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