"Agustine" c'est d'abord admirablement bien filmé, chaque plan est travaillé ne laissant aucune possibilité de libération à ses personnages, dès les tous premiers plans jusqu'à la crise d'Augustine (formidable Soko) tout est maîtrise et cela continu par la suite, le vent de liberté s’insinue très lentement...

Dans ce film se croisent des conditions et des volontés différentes et les rapports, les liens entre les personnages sont traités avec beaucoup de justesse, on ne pourra s'empêcher de trouver le sourire entre Charcot ( toujours aussi épatant Lindon) et sa femme (la douce et discrète Chiara Mastroianni) au début du film plein d'une force qui se passe de mots. Tous les détails sont bons pour donner de la force à ses relations qui deviennent presque étouffantes, du rituel de l'hystérie déclenchée au refus de s'alimenter quand l'autre s'en va quelques temps. De la simulation, à la démonstration publique qui transforme le corps en animal: les scènes de consultation, presque cycliques mettent en jeu ces états du corps de l'un à l'autre, du médecin à la patiente.
De là, naît le vrai enjeu du film: Augustine prend le "pouvoir" sur Charcot elle n'est plus seulement une malade parmi d'autres, elle est elle-même, singulière, elle n'est pas malade mais incapable d'exprimer sa souffrance par les mots, elle la traduit par le corps (comme toujours). En la prenant sous son aile, en l'amenant sur le devant de la scène et en cherchant à obtenir plus de fonds pour étudier le comportement, la pathologie de ces femmes, Charcot a contribué à libérer ces femmes d'une catégorisation trop simple dans la seule folie, il croyait possible une guérison par le corps mais tout en contribuant à en faire des hystériques spectaculaires maintenues dans leur état (les premières consultations de patientes anonymes le montrent bien)

"Augustine",grâce à ses acteurs formidables de bout en bout, propose, plus qu'un film sur l'hystérie ou l'amour,une scintillante découverte rituelle et physique entre deux personnages qui comptent l'un sur l'autre pour continuer à vivre finalement... De la paralysie du corps d'Augustine viendra le temps de la guérison tout comme celle du corps de Charcot qui, longtemps réduit à son cabinet, s'évade peu à peu vers la fusion charnelle. Ce sont donc deux corps malades et en apprentissage que nous livre le film où un regard, un sourire suffisent à comprendre beaucoup par la force du scénario et de la réalisation impeccable. Un premier film qui demande juste de se libérer un peu plus pour sortir du carcan d'une mise en scène ultra sophistiquée où les personnages n'ont finalement plus vraiment le choix. Une réussite tant filmique que dans la direction d'acteurs.

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le 11 nov. 2012

Modifiée

le 11 nov. 2012

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eloch

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