Au Revoir Là-Haut est doté d’une puissance déconcertante. Cette force, c’est celle du cinéma, capable d’émerveiller, de bouleverser, dans une élégance poétique. C’est un sentiment, impossible à décrire tel qu’il est, déclenché sans qu’on ne puisse expliquer par quoi. Ce n'est ni par les décors et les costumes réalistes dont bénéficie le nouveau film d’Albert Dupontel, ni par sa mise en scène raffinée et intelligente. Ce n’est sûrement pas par son scénario (adaptée du roman éponyme), si brillant soit-il, déroulement judicieux d’une histoire captivante. On nous plonge d’abord dans les tranchées, environnement hostile (le mot est faible). Tranquillité tout d’abord, l’armistice ne tardera pas à être signé ; puis, la terreur, des ordres auxquels on doit se plier, un mort, deux morts, des bombes, joli prétexte pour riposter, à l’assaut du no man’s land, d’autres bombes, la terre, un cheval, la mort, la survie, un ami, Édouard, Albert, Péricourt, Maillard, et une bombe. Les scènes qui suivent parviennent à donner des frissons : c’est la crainte d’une image, d’un visage que la guerre a ravagé, le refus de voir la vérité qu’on ne nous montrera pas afin de nous prouver qu’on ne peut l’assumer. Le film, dès ce moment, sera ponctué par un humour fin et adroit, utilisé avec parcimonie mais toujours au bon moment, ce qui le rend d’autant plus pertinent.



C’est un tirailleur sénégalais.



Mais je m’égare. D’où vient donc cette emprise que le film a sur nous ? Si ce n’est dans son ambiance indescriptible, son âme réside probablement dans ses personnages, et plus particulièrement deux d’entre eux : Albert Maillard et Édouard Péricourt.


Albert Dupontel-Maillard et l’importance du jeu d’acteur...


...car c’est la performance de Dupontel qui donne tout son intérêt au personnage. En lui-même, Maillard représente la normalité désemparée et dépassée par les événements provoqués par l’esprit fantasque de Péricourt. Seules les prouesses de son interprète pourront lui donner du poids, même s’il est loin d’être un personnage lisse : protagoniste principal capable d’erreurs et de fourberies, de perfidie et d’actes honteux, il se rapproche de l’humain par ses imperfections qui, au-delà d’être des fautes involontaires, sont les fruits d’un comportement méprisable. Dupontel, en plus de réaliser avec brio son film, et d’en avoir écrit le scénario ingénieux, démontre ses talents d’acteur : son œil pétille, sa prestation est juste, et il conquiert le public.


Édouard Péricourt et l’esprit poétique


Et c’est ici qu’on trouve, à mon sens, le meilleur atout du film : Édouard Péricourt, dont les idées seront le fil conducteur de l’intrigue. D’abord victime de la guerre, ce visage que l’on redoute, puis le désir de mourir, déchirant, légitime, une souffrance que l’inaction nourrit. Ensuite une renaissance, la résurrection d’un homme dont les talents ont été bridés en un esprit nouveau, doté d’une créativité virtuose qu’on ne contiendra plus. Enfin, l’envol d’un oiseau que plus aucune cage ne pouvait assujettir.


Son interprète, Nahuel Pérez Biscayart, saura donner un souffle au personnage, seul son regard qu’il rendra expressif à souhait aura une véritable importance. Édouard est un personnage tout en finesse, un être qui ne parle qu’à travers la voix d’une petite fille, un homme aux mille visages doté d’un esprit unique et d’un génie qui rend ses pensées et ses désirs trop complexes pour être compris.


À travers d’autres personnages secondaires, notamment le père d’Édouard, le Lieutenant Pradelle brillamment interprété par Laurent Lafitte ou encore le contrôleur, Dupontel dépeint une société et une époque et érige une atmosphère particulière.



Pour avoir déclenché la guerre ; pour avoir aimé la faire ; pour en avoir profité ; vous êtes tous condamnés à mort !



En définitive, Au Revoir Là-Haut est un film d’une intelligence étonnante, d’un esprit brillant et poétique, et aux personnages forts : une œuvre profonde, vive, subtile, toute en nuance, remarquable, brillante.

Mia_Landa
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Films vus au cinéma en 2017, Car le jour où les blurays disparaitront, ce sera la fin d'une belle époque et Les meilleurs films de 2017

Créée

le 14 nov. 2017

Critique lue 3.4K fois

47 j'aime

15 commentaires

Mia_Landa

Écrit par

Critique lue 3.4K fois

47
15

D'autres avis sur Au revoir là-haut

Au revoir là-haut
Subversion
4

Adieu

À vrai dire, je n'avais même pas envie d'écrire sur ce film, qui ne m'intéresse pas outre-mesure. Mais voyant une déferlante de critiques élogieuses, j'ai quand même eu envie d'apporter un...

le 28 oct. 2017

108 j'aime

21

Au revoir là-haut
Sergent_Pepper
6

Les rentiers de la gloire

Il a toujours été délicat de catégoriser de manière précise le cinéma d’Albert Dupontel. Si la comédie domine, le grotesque y côtoie souvent les grincements de la satire, et le baroque formaliste s’y...

le 3 nov. 2017

96 j'aime

14

Au revoir là-haut
Quentin_Pilette
5

Les méchants sont pas gentils parce qu'ils sont très méchants

Les spectateurs français attendaient un film de ce genre depuis tellement longtemps qu’ils n’osent pas bouder leur plaisir : enfin un film ambitieux où les 17 millions d’euros de budget se voient à...

le 31 oct. 2017

78 j'aime

22

Du même critique

Touche pas à mon poste
Mia_Landa
1

Et voici... la lie de la télé française

"Touche pas à mon poste ! (TPMP) est une émission de télévision française diffusée en direct sur C8 (avant t D8), produite par H2O Productions et consacrée à l'actualité de la télévision et des...

le 26 mai 2017

67 j'aime

40

Star Wars - Les Derniers Jedi
Mia_Landa
9

Renaissance d'un mythe

Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… ...un Réveil de la Force qui avait divisé. On lui reprochait un manque d’originalité, de nouveauté et d’audace. En vérité, il...

le 14 déc. 2017

60 j'aime

28

Dunkerque
Mia_Landa
8

Une semaine, un jour, une heure.

Une salle entière, qui ne se doute pas de ce qu’elle s’apprête à voir. Le logo Warner s’affiche, il a quelque chose de différent : le W doré a pris une teinte bleutée, et on comprend dorénavant que...

le 25 juil. 2017

50 j'aime

22