La grande force de cet Atlantique c'est le parti pris de filmer la question de l'émigration exclusivement du côté de ceux (celles surtout) qui restent. Je craignais beaucoup les images de perdition en mer, Mati Diop a l'intelligence d'en faire une ellipse, chose bien plus intéressante. On a parlé sur SC du "point de vue de Pénélope". Mais le film est si loin du souffle d'Homère que la comparaison vient tout de même difficilement à l'esprit.
Car, de cinéma, il n'y a pas beaucoup. Quelques jolis moments : le visage de Souleiman longuement filmé dans le pickup, les paillettes vertes du laser passant sur le visage d'Ada, le lit conjugal carbonisé en son centre, la scène du certificat de virginité centrée sur le visage d'Ada.
En revanche, côté maladresses, c'est open bar : la musique omniprésente assez insipide, les plans répétitifs sur la mer (et que dire des crépuscules sur la mer ?), certaines scènes invraisemblables comme celle où le patron creuse une tombe pour 10 femmes avec une petite pioche, ou le récit de la femme qui dit qu'elle a vu une montagne et qu'en fait c'était une vague (!)... Et surtout le final d'une niaiserie sans nom, plus gnan gnan tu coules... Le film ne tient clairement pas ses promesses.
Mati Diop semble avoir voulu situer son film à la croisée des genres : chroniques sociales, dénonciation politique, romance, film fantastique... Qui trop embrasse mal étreint ? Aucun de ces registres ne convainc vraiment. Que ce soit sur les conditions économiques qui poussent les jeunes à partir, sur les traditions oppressives qui persistent, sur l'inégalité homme-femme en Afrique, ou même sur la croyance aux esprits, on n'apprend rien de très nouveau. Mati Diop ouvre moult pistes mystérieuses : pourquoi toutes les copines d'Ada tombent-elles malades ? pourquoi le flic a-t-il des malaises ? pourquoi tant de filles qui viennent demander des comptes alors qu'on avait plutôt compris que c'étaient les hommes qui prenaient la mer ?
Mystère. Mais le plus grand mystère, c'est comment un film aussi faible a pu obtenir le Grand Prix à Cannes. On n'ose penser que c'est simplement parce que l'auteure est une femme, noire, et qu'elle parle d'un sujet aussi légitime qu'important. Grand Prix de bon sentiment ou de cinéma ?