'As Bestas' est un thriller bien tenu, malin pour ne pas dire roublard tant sa virtuosité n'est que du show, pour ne pas dire de la frime. Car il manque quelque chose d'essentiel à ce film : un regard qui donne sens à cette virtuosité. Le film ressemble à un pur exercice de style. Dommage !
Antoine et Olga, un couple de Français, sont installés depuis longtemps dans un petit village de Galice. Ils pratiquent une agriculture écoresponsable et restaurent des maisons abandonnées pour faciliter le repeuplement. Tout devrait être idyllique sans leur opposition à un projet d’éolienne qui crée un grave conflit avec leurs voisins. La tension va monter jusqu’à l’irréparable.
Rodrigo Sorogoyen sait faire monter la tension en ce qui concerne la relation entre les deux français et leurs voisins. Le cinéaste montre très bien la répétition, la gradation de la violence d'abord verbale, puis psychologique et enfin physique qu'il y a dans le harcèlement. Cela commence par des moqueries, des paroles blessantes puis on passe aux actes. De premiers actes qui pourraient ressembler à des blagues, par exemple empêcher l'homme de monter dans la voiture en avançant systématiquement quand celui veut ouvrir la portière. Les actes deviennent plus agressifs : on pollue volontairement l'eau du puit pour gâcher la récolte du couple, on les menace la nuit avec un fusil jusqu'à l'irrémédiable. Les attaques sont à la fois frontales et sournoises, rendant le travail de la police tout à fait vain. Ajoutons que la musique anxiogène à souhait d'Olivier Carson contribue largement à cette ambiance.
Ce que j'ai apprécié également est le travail du metteur en scène sur les lieux. Sorogoyen fait le choix de tourner son film dans les montagnes galiciennes et utilisent sa géographie à bonne escient. Les routes anxiogènes en forêt créent de la tension. Justement, cette forêt vallonnée permet au metteur en scène de faire de jolies contre-plongées accentuant ainsi la menace de ces deux voisins.
Sorogoyen a choisi dans le rôle des deux français deux acteurs, excellent dans ces circonstances. Denis Ménochet apporte son physique massif entre vieil ours et ogre, dont le visage fermé et un peu rustique fait peur. On est moins dans 'Peter van Kant' dans lequel François Ozon exploitait la fragilité de Denis Ménochet que dans 'Jusqu'à la garde' de Xavier Legrand, dans lequel Ménochet martyrisait sa famille. Face à lui, Marina Foïs est d'abord une épouse docile et une femme décidée, mais se transforme en femme dure, imperturbable, obsédée comme elle sait si bien le faire, depuis 'Irréprochable' de Sebastien Marnier et 'Une intime conviction' d'Antoine Raimbault.
Malheureusement et malgré toutes ces qualités citées ci-dessus, le film manque d'un regard. le sens du film nous échappe sans cesse. Que veut-nous dire le metteur en scène ? Est-ce un film sur la lutte des classes ou comment ces agriculteurs pauvres qui n'ont jamais quitté leur village ne pourront jamais cohabiter sereinement avec ces français ? Il y a d'un côté les agriculteurs qui ne savent que reproduire un savoir-faire qu'on leur a transmis et de l'autres, des Français qui semblent comprendre les tenant et les aboutissant de la construction de ses éoliennes. Mais le metteur ne fait rien de neuf sur ce sujet maintes fois traité au cinéma. Est-ce un film sur le rejet de l'étranger, auquel cas le film en dit assez peu ? Quid du thème écologique tant il revient de manière récurrente dans le film (agriculture éco-responsable, construction d'éoliennes) ? Aussi virtuose soit la mise en scène, la mise en image du récit, tout cela m'a paru un peu vain et en fin de compte assez gratuit. Dommage car le film a de vraies qualités.