Il y a des films que l’on tarde à regarder. On s’intéresse rapidement à eux, on les note, puis on les met de côté. Pourquoi ai-je tant tardé à visionner « Arsenic et vieilles dentelles » ? Il s’est retrouvé dans mes envies après que j’ai découvert « La vie est belle », du même réalisateur Frank Capra, mais au fond, je n’avais jamais porté d’attention dessus. L’affiche ne me disait rien, le titre ne me tentait pas. Et puis hier, j’ai lu le résumé. Là, j’ai senti qu’il fallait vite que je découvre cette œuvre, et autant vous dire que je ne regrette pas.
L’introduction du film est très sympathique, elle présente une situation initiale cocasse et nous lie d’affection avec d’amusants personnages. Puis, on y arrive. On entre dans la maison familiale, lieu que l’on ne quittera alors que rarement. Et le théâtre peut commencer.
L’humour est présent dès le début, mais il se renforce de plus en plus au fil du récit. On passe de l’humour noir d’une finesse rare, à un humour absurde de situation, en passant par un magnifique humour de gestes et paroles. Si les premières situations, avec l’arrivée du premier mais déjà grandiose élément perturbateur, sont hilarantes, le film ne perdra jamais cette dimension mais prendra en plus une ampleur de frénésie démentielle.
La pièce principale de la maison dans laquelle se déroule l’action devient littéralement une définition de la folie. Ce n’est pas une folie bête et incontrôlée, c’est tout le contraire. Le genre de folie qui se transmet, le genre de folie pure et jouissive à tout instant.
Je commence à me demander si je n’ai pas un grain, tant j’apprécie les films qui maîtrisent à ce point la folie qu’ils libèrent pendant quelques minutes. Mais encore une fois, difficile de pleinement expliquer ce qui fait de ce film un chef d’œuvre inédit. Il y a toujours quelque chose à l’écran pour nous faire rire, ou au moins sourire. Des événements qui devraient normalement se passer en second plan sont parfois mis en avant, avec brio. Ainsi, il n’est pas rare que la caméra s’éloigne d’un dialogue, qui reste cependant entendu, pour nous montrer les actes d’autres personnages présent à côté. Plus que de permettre un certain humour, cela permet en même temps d’apporter adroitement de nombreux éléments supplémentaires au récit. D’ailleurs, aucun détail n’est futile, chacun aura son utilité.
Il y a un véritable plaisir qui se forme pour le spectateur face à ces va-et-vient des protagonistes. Chaque fois que l’un d’eux sort de la pièce, il passe à un statut inactif, et chaque fois que l’un entre en piste, il agit et apprend des choses. Heureusement, seul le spectateur est au courant de tout ce qui se passe dans cette demeure qui se transforme peu à peu en asile. Tout, ou presque, car l’histoire révèle bien quelques petites surprises là où on ne l’attend pas.
Même si le film n’en a pas besoin pour être si énorme, il est porté par la prestation de Cary Grant dont j’aimerais rapidement parler. D’ailleurs j’aimerais même le crier, je vais donc un peu écrire en majuscule, vous m’excuserez. CARY GRANT EST PARFAIT. SA PRESTATION EST UN SANS FAUTE, UNE PURE MERVEILLE D'INVENTIVITÉ ET DE MIMIQUE, UN PUR RÉGAL DE TOUS LES INSTANTS ! IL TRANSMET TOUT CE QU’IL A A TRANSMETTRE SANS AUCUN SOUCI PAR UN SIMPLE REGARD ! Bref, il est l’un des nombreux gros points forts.
Vient alors le moment fâcheux d’évoquer les points faibles. Mais je ne le ferais pas. Ai-je seulement trouvé des aspects négatifs à ce que je viens de voir, de vivre ?! Non, je préfère alors parler de facilités. Car il y en a un certain nombre, des facilités. Mais pourquoi s’en priver si elles permettent au délire de grandir, si elles nourrissent le film pour le rendre inégalable et inoubliable ? Certains seront sûrement réfractaires à cela, auront du mal à passer outre. Pour moi, aucun problème, c’était du pur génie.
J’espère avoir pu donner l’envie de découvrir cette pépite du 7e art. En tous cas, Frank Capra m’a transmit sa folie.