Army of the Dead
4.6
Army of the Dead

Film de Zack Snyder (2021)

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Zack Snyder aura fait couler beaucoup d’encre ces dernières années, entre les mécontents de ce qu’il avait fait de ses films de super-héros DC et ceux qui voulaient pouvoir poser leur yeux sur sa très longtemps désirée Snyder Cut de Justice League, suite au charcutage de son film par Warner quand celui-ci dut quitter le projet après un terrible drame familiale, le suicide de sa fille. Et 2021 vient comme l’année du grand retour pour le cinéaste, qui à quelques mois d’intervalle a pu enfin sortir sa Snyder Cut mais concrétise aussi le lancement d’un nouvel univers cinématographique avec son nouveau film, Army of the Dead. Aubaine pour Netflix qui attire dans ses filets un des metteurs en scène les plus populaires du moment aux commandes d’une franchise qui sera probablement fructueuse et opportunité salutaire pour Zack Snyder, seul maître d’un film qui pourra lui permettre une catharsis après des années particulièrement difficiles.


Une volonté de renouveau qui se traduit dans l’essence du projet en lui-même, Snyder revenant citer ici directement ses débuts alors qu’il avait commencé sa carrière en réalisant le très réussi remake de Dawn of the Dead de George A. Romero. Et surtout quelle meilleure façon de mentionner sa renaissance artistique qu’à travers le mythe du zombie, ce mort qui refuse de rester mort. Une parabole introspective et plus personnelle qui traversera l’intégralité de son nouveau film et qui sera abordée sans subtilité mais non sans un certain humour. Snyder prouve encore qu’il fait très rarement dans la finesse mais tient aussi à assurer qu’il ne sacrifie jamais l’humain sur son sens du spectacle. Vendu comme un gros film de braquage à la sauce zombie, Army of the Dead prend vite la tournure d’un drame père-fille bien moins bourrin qu’escompté. Ce dernier adieu entre Snyder et sa fille fait clairement office de mouvement thérapeutique pour le cinéaste, et lorsque le film prend dans ses derniers instants cette direction là, il est difficile de ne pas être bouleversé par sa très touchante conclusion.


Pour autant, cela prend part dans un film souvent boursoufflé par ses ambitions et qui livre bon nombre d’idées intéressantes qu’il ne parviendra jamais à concrétiser. On est paradoxalement face à un film trop long mais qui n’a pourtant jamais le temps de poser ses personnages et son récit. Snyder fait le choix de scinder sa narration en deux parties, avec une grosse première moitié d’exposition et une seconde qui repose sur le braquage en lui-même et le climax. Sauf que cette rupture crée un décalage, prenant trop de temps à nous présenter ses personnages et leurs relations en début de film pour au final ne plus savoir comment les faire exister dans l’action. Dès que les échauffourées avec les morts-vivants commencent, les personnages ne deviennent que des chairs à saucisse génériques et inintéressants. En dehors d’une ou deux exceptions, il ne parvient jamais à caractériser ses personnages dans l’action et rend la rupture de rythme entre la première partie et la seconde d’autant plus frustrante car on passe beaucoup de temps auprès de personnages dont on finit par se désintéresser totalement.


Au final, Snyder démontre son incapacité à se servir correctement de son terrain de jeu, qui est pourtant terriblement excitant sur le papier. Même l’idée des zombies organisés et plus évolués finit par se montrer anodine car une fois dans l’action cela se traduit uniquement par une ou deux chorégraphies plus inspirées sans que pour autant ils ne représentent une menace plus importante. Et ce qui surprend le plus, c’est ce manque de créativité de la part du cinéaste : lui qui fut si souvent un esthète assez redoutable dans l’action pure, il livre un spectacle pourtant pauvre selon ses standards et qui ne laisse transparaître son inventivité qu’à de trop rares reprises. Le spectacle reste néanmoins efficace mais vite attendu et il faudra attendre le climax pour enfin avoir quelques séquences bourrines plutôt réjouissantes. Mais on aurait aimé retrouver plus souvent la force et la précision de son introduction, qui n’a jamais peur de sa vulgarité, parvient à faire monter brillamment sa tension et vire ensuite dans un joyeux montage apocalyptique. Une ouverture coup de poing et habilement mis en scène mais qui sera un des trop rares coups d’éclat du film. De plus, Snyder s’essaie pour la première fois à la photographie. Ce qui se résume malheureusement à une image terne et un flou numérique systématique qui écrase les perspectives, ne laissant aucune profondeur de champ, et qui annihile une grande partie du grandiose dont le film aurait pu faire preuve. Un choix discutable et curieux.


Pourtant il est difficile de ne pas voir Army of the Dead comme l’adieu douloureux entre un père et sa fille, ce qui offre une dimension louable et bienvenue au film. Mais il est aussi difficile de ne pas voir ce qu’il aurait pu être devant toutes ces bonnes idées qu’il laisse tristement passer. La faute à un scénario mal équilibré dans son exposition et la caractérisation de ses personnages. On regrettera un habillage formel décevant aussi au vu des standards habituels du cinéaste. Entre sa photographie hasardeuse et sa mise en scène efficace mais sans créativité, Snyder paraît ici en petite forme malgré quelques coups d’éclat assez glorieux en début et fin de film. Mais c’est surtout son très solide casting qui sauve les meubles et tient la barque, entre la performance tout en retenue mélancolique de Dave Bautista, le charisme sidérant de Nora Arnezeder ou le charme comique de Matthias Schweighöfer, les acteurs parviennent souvent à palier les gros défauts d’écriture de leurs personnages par la force de leur présence. Army of the Dead n’est donc pas la renaissance espérée du cinéma de Snyder, en intensifiant même les défauts structurels qui commençaient déjà à apparaitre dans ses derniers films, il signe probablement son œuvre la plus faible et la moins créative. Suffisamment personnel et efficace pour nous maintenir éveillé, mais trop peu inventif pour nous émerveiller.


Ma critique originale sur lamagducine.fr

Frédéric_Perrinot
5

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Créée

le 23 mai 2021

Critique lue 261 fois

2 j'aime

Flaw 70

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