Beau moment de cinéma. La première séquence du film résume ce que le film va nous dérouler : des écoliers américains, le dessin d'un enfant moqueur envers son professeur, une amitié qui se crée, ce professeur qui fait preuve d'un degré de tolérance variable selon la couleur de peau de l'enfant turbulent. Les thématiques de Armaggedon Time sont déjà abordées dès ce moment là.
Ce que j'ai trouvé fort dans le film c'est qu'il est très singulier et personnel dans la forme, en étant profondément universel dans le fond. James Gray nous raconte le parcours de vie d'une famille, issue de la classe moyenne, à New-York, en 1980. À ce moment précis cette famille à son histoire, un exil d'Ukraine et l'appartenance à la communauté juives; ses rêves : devenir artiste, s'ancrer durablement dans la société américaine et offrir ce qu'il y a des mieux à sa descendance ; ses problèmes : les bêtises et les difficultés scolaires de Paul, la maladie du grand-père; et son quotidien : beaucoup d'amour, une relation entre Paul et son grand-père très forte, des repas animés... Le film va mettre en parallèle ses éléments avec un contexte social et politique aux États-Unis rude pour les afro américains qui sont victimes de racisme.
On vit chaque événement du point de vue de Paul, l'enfant. L'amitié entre les enfants Paul et Johnny va mettre en exergue les problématiques de racisme qui gravitent autour d'eux. Jhonny est confronté à des situations et des paroles très dures, qui vont indirectement impacter son ami Paul. Le film questionne notamment la façon dont des enfants, pleins de rêves et de malice, reçoivent et subissent à la fois des injustices et son incompris par les adultes.
Le rôle des grand-parents et des parents est essentiel dans l'évolution du personnage de Paul, j'ai été particulièrement touché par le grand-père qui est connecté à son petit fils. Anthony Hopkins est très bon dans ce rôle, on oublie qu'il est acteur j'avais juste l'impression d'avoir un grand-père aimant à l'écran. La communication avec son père est plus difficile, qui est un personnage assez compliqué à appréhender. Dès lors qu'il se livre sur son métier de plombier et le rapport vis-à-vis de sa belle famille sur son métier, on comprend que c'est un homme en souffrance. Il est dur avec Paul car lui-même a souffert de sa situation, il ne veut pas que la même chose arrive à son fils. D'ailleurs le face à face père fils dans la voiture est d'un grand pessimisme (le film est globalement pessimiste). C'est tellement cru et dur de dire à un gosse que certes son ami a subit une injustice mais tant pis c'est la vie, il y pourra rien et il faut faire avec et se concentrer sur lui-même. Finalement étant donné la vie du père, cela est compréhensible qu'il tienne ce discours. Contrairement au grand-père, lors du décollage de la fusée, qui tient des propos totalement différents sur la conduite à tenir lorsqu'on est témoin d'injustice. Superbe scène, la photographie est sublime.
La famille et le rôle du père occupent une place importante, comme souvent chez James Gray. On retrouve dans Armageddon Time un dilemme qui s'offre à Paul et qui m'a fait penser à la fin de Two Lovers : rester souder et faire confiance à sa famille pour son avenir ou bien prendre la fuite.
Ici Paul a tenté de fuir, finalement sa fuite restera un rêve sous forme de vignettes pendant que Johnny se fait coffrer. La scène est très belle, lorsque l'on voit des images apparaîtres dans l'imaginaire de Paul avec les 2 gamins en Floride. L'un en train de peindre sur la plage, l'autre devenu d'astronaute.
Armageddon Time m'a fait penser à Licorice Pizza vis-à-vis de son rapport à une époque et sa jeunesse. On sent une tendresse similaire dans les 2 films. Mohamed Ali, les Beatles, ou encore le flipper sont des objets et des marqueurs d'une époques qui font sens pour l'auteur et dans l'histoire qu'on nous raconte.