D'une simplicité qui confine souvent à l'épure, Armageddon Time restera sans doute dans l’œuvre de James Gray comme le film à voir en premier pour comprendre d'où il vient et comment le futur cinéaste a acquis les valeurs qui ont influencé son existence d'homme et d'artiste. Très truffaldien, par son côté buissonnier, dans le schéma classique de la prise de conscience d'un enfant sur le monde qui l'entoure, ce film d'apprentissage, sans esbroufe et sans fioritures, qui émerveille par sa fluidité narrative, trace également un portrait éloquent d'une Amérique prête à se jeter dans les bras de Reagan (avec l'ombre de Trump déjà en surimpression) sur fond de racisme et d'antisémitisme plus que latents. Cette chronique familiale dit aussi l'importance de la transmission, d'autant plus chez ceux qui ont connu l'intolérance la plus ignoble, à travers les pogroms et la Shoah. Le plus beau, dans Armageddon Time, est sans aucun doute la compréhension instinctive et affective entre l'innocence d'un enfant et la sagesse d'un grand-père. En moins de deux heures, James Gray, dans cette autobiographie partielle, montre de manière maîtrisée et brillante, que le cinéma n'a pas besoin d'effets spéciaux ni de dramaturgie excessive pour captiver. La justesse avec laquelle il raconte l'éveil aux réalités de la vie et de la société et les sentiments qui en découlent suffisent, quand on a le talent du réalisateur, pour vouloir l'accompagner avec plaisir et admiration jusqu’aux racines de sa vocation d'enlumineur.