Argo
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Argo

Film de Ben Affleck (2012)

Et les américains inventèrent leur héros ...

Étrange que ce film de Ben Affleck produit par George Clooney. Associer ces deux-là à Joachim Phoenix ne revient pas à penser directement patriotique et c'est pourtant bien ce qu'est ce film de bout en bout: revenant sur un fait réel : à savoir l'exfiltration (qui est comme l'avortement une question à régler par soi-même, phrase culte du dit héros torturé dans le film) de 6 américains échappés in extremis d'une prise d'otage spectaculaire que le film retrace avec tension (avec tous les bons ingrédients pour la créer: plans ultra rapides, va-et-vient constants, nervosité de la caméra et effet de masse -impossible de citer tous les figurants-).

Ensuite, baissant légèrement dans une petite introduction seconde, le film se focalise sur Tony, exfliltreur de génie, chargé de ramener, sans casse et avec un plan béton, tout ce beau monde en vie. Il va pour cela inventer un stratagème qui parait dingue (et c'est surement d'ailleurs ce qui a fait sa réussite) à savoir créer de toute pièce un faux film de science-fiction avec pour décor: l'Iran. C'est là que le film est bon: quand il nous montre avec tous les stéréotypes qui font sourire parce qu'ils ne sont pas bien méchants (gros producteur, vieux loup du cinéma à la réparti infaillible « je serais dans le film tant pis, appelez mon, agent » alors qu’il passe au beau milieu d’une scène de tournage, films de monstres en papiers mâchés tournés à la va-vite…), l'univers d'Holywood où les répliques grasses fuses, où il est supposé à chaque réplique que le cinéma là-bas c'est que des sous, pas de scénario. Bref, les personnages, les acteurs, tout est parfait.

Du coup, le film oscille sans cesse entre cet univers déjanté, détendu et la tension qui règne à l'ambassade du Canada (avec la reconstitution des photos des visages des trois enfuis, au coup par coup qui fait augmenter implicitement et judicieusement aussi cette tension déjà palpable) Parce qu'ils ne vont pas parcourir un territoire inconnu en hiver à vélo, ces 6 hommes et femmes vont devoir se faire passer pour une équipe de tournage: non sans méfiance ils se lancent dans la folle aventure avec leur exfiltreur. Tout menace d'exploser à chaque instant, on se tortille sur son siège avant que tout n'aboutisse, le moment du décollage de l'avion étant le paroxysme de la tension...

La question qui demeure cependant : c'est POURQUOI avoir ajoutée là-dessus (à savoir revenir sur une prise d’otage, une période de l’histoire et donc donner un côté didactique au film) cette figure archi-stéréotypée du héros torturé qui a des problèmes avec sa femme et son fils et qui les retrouve sereinement à la fin. Ça n'apporte rien au film voire ça agace rudement. C'est donc ça qui fait l'étrangeté du film, ce battement constant entre clichés et tension, prenant l'évènement mondial par le petit bout de la lorgnette, Ben Affleck fait un film sur une réussite déjà acquise de l’Amérique sans jamais remettre en question vraiment leur implication: bref un patriotisme presque étouffant qui donne à ce film un souffle quelque peu bancale, étrange, en tout cas difficile à saisir venant de ce réalisateur là, on n'a tout le temps l'impression que c'est Bruce Willis qui tient les ficelles de ce héros américain totalement dépassé !
eloch
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Le cinéma de 2012 et Les films passés au crible, non expert, de la critique élochienne.

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le 28 nov. 2012

Modifiée

le 28 nov. 2012

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