Je vais tenter de déconstruire un témoignage direct entendu au sortir de la projection du film " C'était biographique mais qu'est-ce que c'était lent on s'amusait vachement plus à l'époque. Puis alors, c'est mou, mou ... Et l'autre là, Clément Metayer, il est encore plus mou que Benjamin Biolay".

Premièrement, je ne déconstruis pas sa référence autobiographique parce que on est complètement dedans,la seule chose que Gilles n'a pas d'Olivier Assayas, c'est le prénom. Sinon, nous sommes bien dans les prémisses, la naissance du futur artiste d'abord peintre et qui s'élance peu à peu vers le cinéma.

Je vais tout de suite m'opposer à la lenteur, la mollesse: oui c'est lent mais c'est ça qui rend le film intéressant, cette décantation du temps, alors qu'on entre dans le feu de l'action au début du film, dans l'activisme pur et dur avec manifestations violemment réprimées, on va peu à peu vers l'artiste qui se cherche et vers des personnages (certes un peu bobo mais cette qualification surutilisée m'agace) qui attendent de se lancer dans la vie, croient stagner avant de se décider à se reprendre en main (les errances des personnages sont donc transcrites avec brio, comtemplativement). Le film ne nous brusque pas et prend le temps de décanter son sujet, d'arrimer l'éducation que sont amenés à vivre chacun des personnages de cette fresque post-soixsantuitarde. Les plans d'Assayas sont souvent magnifiques, emprunts d'une certaine nostalgie en tout cas d'un regard planant, éphémère mais plein de grâce et de douceur. Les parcours de ces trois personnages, parcourus d'amours de jeunesse sont puissants, ils nous transcendent.

Enfin, je ne sais pas à quoi carburait ce gentil monsieur à l'époque du film et qui rejette l'absence de bonheur, de joie mais j'ai envie de lui dire que c'est très personnel et que ce n'est pas du tout de cela que parle le film, bien au contraire, il parle de choix,d 'engagement, de solitude "l'art c'est la solitude,c'est un choix, ce n'est pas le mien" clame Jean-pierre. C'est donc l'apprentissage d'une lutte qui demande cohésion (des luttes qui à l'heure des printemps arabes qui fleurissent sur nos continents me font regretter ce désengagement français d'aujourd'hui où pleuvent les manifestations anti mariage pour tous). C'est donc un climat qui vacille sans cesse entre activisme et artiste, l'acteur est indécis (même avec les deux femmes qui oscillent autour de lui), ce n'est pas de la mollesse, c'est de la fulgurance, un instant l'on est autre, l'on est soi, tout s'agite mais dans sa propre vie rien ne bouge ou presque jusqu'à ce que l'on décide enfin de la prendre en main.

Assayas-Gilles court alors vers le cinéma, il le contemple comme ses films sont contemplatifs et par le choix de ces acteurs (Lola Créton notamment) complètement atemporels, il fait un film ancré dans ce passé révolu où la jeunesse effleurait quelque chose qu'aujourd'hui on ne peut plus saisir tant il s'évapore à notre contact ... Je regrette une certaine longueur du film,; ce qui me fait mettre 7 mais il reste une galerie de portraits aux allures de rêve qui donne à voir une révolte assagie par l'art qui reste pourtant, à la différence de ce que croit Jean-Pierre, au coeur même du militantisme...

Bref, j'ai pas du tout aimé le côté nostalgique de l'avis de ce vieux spectateur, témoin direct surement des évènements du film, tout simplement parce qu'il a oublié la poésie en chemin je pense à la différence d'Assayas qui la distille à chaque plan ou presque ... Il n'y a qu'à penser à la puissance allégorique du feu dans ce film pour comprendre de quoi je parle.
eloch

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