Oubliée l'Amérique, aujourd’hui je suis d’ici.

Ça faisait un bout qu'ils m'avaient posé là, en stand-by.
Je le sais précisément, et ce même si être face à soi détend le temps, même si j'ai descendu tellement d'eau-de-feu que j'ai du mal à dire comment je m'appelle.

Je le sais aux cadavres, cette montagne de bouteilles de ce Brandy qui brûle, médecine. La liqueur qui se sirote consciencieusement, pour s'anesthésier.
Une montagne qui ne trompe pas.
Un moment que j'étais cloîtré, écrasé par l'horreur de ce Saïgon qui fait perler sur ma peau des joyaux de sueurs, aussi chers qu'ils sont éphémères.

Je le sais à cet hanneton qui répond au quart de tour car je l'ai dressé patiemment.
Il faut quoi ? Trois, quatre semaines pour réussir à les faire répondre à leurs noms à un truc comme ça, non ?
Mon hanneton chantait « Singing in the rain » en faisant des claquettes.

Puis un jour, ils sont venus.
J'étais leur dernier recours.
Un homme qui n'en était plus un pour tuer un homme qui n'en était plus un.
Un hanneton pour tuer un Dieu. Mettre fin à ce sacrilège.
J'étais le Coléoptère de la situation.

Aux pales qui résonnent, métronomes, mon cœur répond en battant à nouveau la chamade. Le ballet des insectes de métal qui crachent le feu sur ce merdier, comme si je ne l'avais pas quitté.
Ce monde, mon monde, qui m'avait vu naître une deuxième fois.

Oubliée l'Amérique, aujourd’hui je suis d’ici.

Remonter le Nung jusqu'à cet homme devenu Roi.
S'enfoncer, suivre ce lacet d'eau vers cette ombre que j’appréhende,
qui peu à peu se dessine, plus précise.
Croiser la cavalerie, ces guerriers qui restent debout, ne sursautent pas, quand tout explose autour d'eux.
Comme dans un rêve.
Surfer sur du napalm, du Wagner, sa mère, et un feu d'artifice au petit matin.

Oubliée cette putain d'Amérique.

Ma gourde pleine de gazoline pour pas rouiller.
Sur la coquille, je dégouline, et mon périple vers le néant prend fin alors que je m’apprête à contempler les ténèbres. À les regarder droit dans les yeux.
Rencontrer l'indicible, ce fou sanguinaire, ce mégalomane.
Ëtre abasourdi et naître une troisième fois.

Aujourd'hui, je suis d'ici.
DjeeVanCleef
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le 1 févr. 2014

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DjeeVanCleef

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