Un grand moment de magie torturé par des défauts encombrants

Annette est compliqué à appréhender tant il a bafoué toutes mes attentes, tant il peut paraître mal aimable. Je m’imaginais avoir affaire à un thriller psychologique qui irait loin, très loin dans son scénario, avec de grands mouvements de foules sous fond de comédie musicale. Au final je n’aurais eu qu’une comédie musicale avec un portrait de la star en toile de fond… est-ce que c’est décevant pour autant ? Pas vraiment non !

Donc première chose qui déçoit quelque peu : le scénario. Installant plein de choses sans jamais forcément les résoudre ni répondre aux questions qu’il pose, il ne fait que les énumérer sans vraiment aller les confronter frontalement. Que ce soit la célébrité, la jalousie, les névroses et le harcèlement sexuel, l’exploitation, tout ça est là mais n’est jamais approfondie. Pareillement je trouve le scénario trop sage, plus léger que ce que je pensais, là où il avait quantité de fois le choix d’exploser, de grandir. Dommage donc d’autant que la mise en scène elle, explose tout sur son passage.

En effet la mise en scène de Leos Carax s’avère aussi belle, gracieuse et élégante que maîtrisée. Des plans à la complexité et à la puissance évocatrice, des milliards d’idées visuelles et de tableaux sont délivrés les uns après les autres sans que ça ne s’arrête. Un théâtre de l’expérimentation jamais indigeste qui apporte une bonne grosse dose de folie et de magie au long métrage, toujours porté par des photos et des lumières somptueuses. Néanmoins c’est contrebalancer par un mauvais goût assez prononcé comme la manière très cheap d’illustrer une news, certes on donne plus l’impression de se moquer du média en le parodiant avec mépris et laideur toujours est-il que c’est ridicule plastiquement. Je ne parle pas non plus de l’atrocité de ces fonds d’écran de ville/carte postale où l’on voit Annette voyager dans le plan au fil des destinations, tout simplement horrible… on dirait un montage pour une vidéo ytp. Aussi, on est par instants pas aider par des moyens et procédés un poil cheap comme cette projection d’un océan et ce rivage en carton pâte qui forment une mise en scène très théâtrale et donc très fausse. Restreinte budgétaire ou fausse bonne idée ?

De ce fait quasiment tout fait très fabriqué, et les failles ne deviennent que plus grosses et nous explosent en pleine gueule. C’est pourquoi on sera triste de trouver un Adam Driver qui même s’il s’efforce d’être irréprochable et arrive souvent à l’être ne demeure à certains instants pas très juste dans le chant, Cotillard est par contre époustouflante même si on sent qu’elle n’est pas aussi efficace que pourrait l’être une pro. Malgré tout, les deux prestations sont impressionnantes et c’est sublimé par un investissement physique qui ne peut qu’être souligné et applaudi. Les musiques elles sont tout simplement folle autant dans la composition que le chant que l’illustration de Léos Carax et promet quelques grands moments de frissons (ça se stream salement en boucle en écrivant ces quelques lignes d’avis). Malheureusement, la comédie musicale et surtout la parole chantée n’arrive jamais à transpercer mon cœur, à me donner de l’émotion. Fatalement, la parole chantée a quelque chose d’artificiel et de superficiel, une couche qui efface l’émotion suscitée par le dialogue et la retranscription et l’élocution franche et sincère. En ça, le film a saboté son potentiel émotionnel déjà pas vraiment aidé par un scénario pas assez proche de ses personnages.

Peut être ai-je trop idéalisé et fabulé l’œuvre, ce qui expliquerait mon infime déception. Was it worth the wait ? Oui quand même. Après tout, même si la bande annonce est un chef-d’œuvre à lui tout seul, le film en est un autre. Hélas pour moi, j’ai eu l’impression qu’à la fois le film fonctionnait autant qu’il titubait dans tous les aspects de sa créations, dans tous ses choix. Un mélange hybride entre réalisme et fable, à la mise en scène aussi grandiose qu’à l’opposé limité par son amour du fait main qu’on retrouve avec Annette en animatronics, au symbolisme touchant. Un film aussi réussi que raté mais surtout un très très grand moment de cinéma que j’ai chéri et qui m’a attendrit malgré ses quelques longueurs.