Ah, Tolstoï ! Anna Karénine, Guerre et Paix, Les Misérables, Astérix chez les Goths... Bref, un auteur massif. Il faut du courage pour adapter Tolstoï, car si ses romans sont d’une incroyable richesse, on a bien vite fait de se perdre dans cette densité, et de perdre de vue au passage les enjeux cinématographique. Sergei Bondartchouk avait néanmoins réussi (non sans mal) à adapter la colossale vision de Guerre et Paix, et d’autres réalisateurs se sont également frottés à Anna Karénine. Un problème se posait assez rapidement à moi dans la mesure où je ne suis pas spécialement fan de Joe Wright, et son dernier film, Hanna, m’avait passablement ennuyé malgré ses qualités formelles. Allons bon, le Anna Karénine de Joe Wright n’est pas mauvais. Il est même plutôt bon.

Bercé par l’idée de pouvoir faire une adaptation fourmillante et virtuose dans sa manière d’être constamment en mouvement, Wright parvient à comprendre qu’il est possible de conserver la richesse des Tolstoï pour peu qu’on ne soit pas dans le déballage statique et ennuyant. Singulière mais belle, la relecture d’Anna Karénine par Tom Stoppard, le scénariste, avant tout dramaturge ne s’en retrouve finalement qu’encore plus adaptée à l’essence du roman. Une chose est sûre en revanche : cette articulation autour du théâtre divisera.

Anna Karénine est finalement une sorte de valse littéraire. J’ai été honnêtement plus que surpris par la réalisation de Wright alors que je m’attendais à quelque chose suivant platement le roman, que ce soit avec ou sans les rajouts scénaristiques dont je parle ci-dessus. Le ton lourd de la réalisation aurait pu être employé, dans une atmosphère plombante et mollassonne. Anna Karénine n’est pas non plus léger, mais son élan finalement increvable finit par lui donner une grande souplesse en évitant les écueils de la lourdeur. On pourra toujours taxer à Wright d’être parfois dans le « je montre comme je manie bien mon décor et ma caméra », mais sa sincérité à pouvoir valser dans son univers Russe se fait ressentir si bien qu’on oublie, ou alors pardonne, ce qui tend parfois à être de l’artifice. Car il n’y a pas spécialement de vacuité au sein d’Anna Karénine à cacher misérablement.

Ce qui me marque également dans le film n’est néanmoins pas le personnage éponyme, mais bien son mari, Alexis Karénine. Figure imposante de la Russie des Tsars, le personnage de Jude Law n’aura de cesse d’éblouir, d’une part par son écriture, d’autre part par son interprétation. Rarement Jude Law n’aura autant brillé, dans ce rôle tout en retenue, alors que pourtant les passions se déchirent au sein de son personnage. J’ai vraiment été conquis. Egalement surpris par Aaron Johnson, dont on peine finalement à croire qu’il s’agit bien de l’acteur de Kick-Ass. C’est hélas Keira Knightley qui me convint le moins. Si d’un côté elle est adaptée au personnage de Karénine, elle ne trouve pas toujours sa place au sein du film, et sombre parfois dans le sur-jeu. C’est encore plus visible aux côtés de Jude Law. Ça ne pourrit heureusement pas le film non plus.

Il y avait un certain enjeu à réaliser un film Anna Karenine correct, produit par un gros studio Américain. Car après tout, il aurait été aisé de faire une adaptation plus que douteuse du roman Russe (en comédie musicale, tiens). Mais c’est beau. C’est une belle envolée lyrique qui nous est proposée, et qui finalement me réconcilie quelque peu avec Joe Wright.
ltschaffer
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le 29 déc. 2012

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Lt Schaffer

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