Premier film du réalisateur australien David Michôd, Animal Kingdom est sans aucun doute l'un de mes coups de cœur du film de gangsters, un genre que j'aime tout particulièrement. C'est donc un film de gangsters, mais un film de gangsters noir, très noir ... ne cherchez pas la moindre lueur d'espoir dans tout ça, y'en a pas.


L'histoire se déroule au sein d'une famille de truands, dans une banlieue anonyme de Melbourne, qui doit accueillir Joshua 18 ans, un neveu éloigné dont mère est décédée d'overdose. Son arrivée dans l'équation familiale offre à la police un moyen de pression pour faire tomber ses oncles. Joshua devra alors choisir son camp, sa famille ou les flics.


Sur Animal Kingdom, David Michôd porte la double casquette de réalisateur et scénariste, ce qui lui permet de livrer son regard à lui (un regard très trouble et singulier) sur le monde des criminels. Et pour cela, il s'intéresse à une famille de truands, que des hommes menés par la mère matriarche. Nous sommes dans le règne animal, avec la femelle la plus âgée (la matriarche) qui mène le troupeau. Et croyez-moi, cette petite famille, vous ne voudriez pas les avoir comme voisins. Ce ne sont pas des criminels hauts en couleurs, comme dans Les Affranchis ou Casino de Martin Scorsese. Non, ces gars-là ... ils sont bien pires.


Très loin donc des familles mafieuses dépeintes dans les films de Martin Scorsese ou Francis Ford Coppola, David Michôd nous propose ici le portrait de personnages violents qui fonctionnent à l'instinct, un instinct animal (aka Animal Kingdom) et sans la moindre compassion. Dans Animal Kingdom, il n’y a pas de méchants, ni de gentils.Il n’y a que des gars qui se battent, mais pas pour la même chose ... et au bout, il n'y aura que des perdants. Les truands sont de véritables gangsters qui suivent leurs propres règles, sans se soucier des dégâts collatéraux. La police quant à elle utilise les mêmes méthodes que les truands, capables d'abattre de sang froid un truand désarmé et de maquiller le meurtre en légitime défense. Et au milieu de tout ça, il y a Joshua qui n'appartient à aucun des deux mondes ... mais les évènements à venir vont l'obliger à choisir son camp.


La matriarche est jouée par Jacki Weaver et elle est fabuleuse. Elle est la mère (ou la grand-mère pour Joshua) des gars, dans cette bande de truand. Alors qu’elle offre une image de mère (et de grand-mère) aimante, ce n’est que dans les 20 dernières minutes du film, qu’elle montre son vrai visage et il est terrifiant. C'est vraiment à ce moment-là qu'on découvre son terrible pourvoir et qu'on comprend pourquoi sa seule fille (la mère de Joshua) a fuit le foyer familiale il y a de ça plusieurs année en arrière. Elle est la matriarche en puissance et gare à qui osera se mettre sur son chemin.


Il n’y a que quelques acteurs avec un CV reconnaissable, sinon la plupart étaient de parfaits inconnus au moment de la sortie du film. Vous reconnaitrez instantanément Joel Edgerton, un acteur de "gueule", qui joue l’outsider dans le groupe. C'est l'oncle sage qui sait que tout ça, ça ne peut que finir mal et qui veut donc quitter le "business" familial pour investir en bourse. Il veut placer ses gains en bourse et essaye de convaincre ses frères de faire de même. L’autre tête connue au sein de ce casting hétéroclite, c'est Guy Pearce, qui joue le détective essayant à la fois de mettre un terme aux action de la famille mafieuse et de sauver le jeune Josh, joué par le nouveau venu James Frecheville.


Mais le grand gagnant du meilleur psychopathe de la famille, revient sans problème à Ben Mendelsohn dans le rôle de Pope. Ses paupières tombantes et son regard mort, vous feront craindre le pire à chaque moment. On ne sait jamais de quoi il est capable, son comportement étant complètement erratique. Ses actions sont imprévisibles et la plupart du temps vous dégoûteront. Il faudra être attentif a deux lignes de dialogues qui nous aideront à trouver un sens à tout ça. Très tôt, la voix off de Josh nous dit que tous les truands finissent par tomber un jour ou l'autre et que ce n'est qu'une question de temps. Plus tard, le détective (Guy Pearce) s'adresse à Josh et lui dit que dans le règne animal, soit vous êtes parmi les faibles, soit êtes parmi les forts. Les enjeux sont assez claires, Josh doit prouver qu'il est fort, le plus fort parmi les forts.


Le film se concentre sur Josh qui se retrouve piégé dans cette famille de truands, après le décès de sa mère. Sa grand-mère (Jackie Weaver) va l'accueillir, pour le pire et rien que pour le pire (As Bad as It Gets). Josh va alors passer le reste du temps à essayer de se fondre dans la masse, tout en restant clean, sans s'impliquer dans les "affaires" familiales. Bien sûr, même son visage stoïque ne nous trompe pas, il se sait condamné s'il ne met pas fin au règne de destruction massive incarné par son oncle Pope.


Animal Kingdom s’appuie sur un bon scénario, une histoire captivante, un bon jeu d’acteur, une caractérisation solide et une excellente réalisation. Pour un premier film, David Michôd surprend son monde de par sa parfaite maitrise de la mise en scène, s'appuyant en outre sur un excellent scénario évitant tout manichéisme. Ici la violence n'est pas stylisée, vous ne trouverez aucune flamboyance dans les scènes de meurtre. La mise en scène est au contraire minimaliste, la violence est toujours brutale, on ne la voit jamais venir et on ne s'attarde pas dessus. De plus la caméra à l'épaule renforce le ton réaliste de l'ensemble.


La mise en scène semble avoir été pensée pour être la plus souple possible, permettant aux acteurs de jouer librement ... c’est ce qu’ils font le mieux après tout, non ? Le fait que la plupart des acteurs soient peu connus, renforce également cette impression de véracité et nous épargne du syndrome "Bruce Willis qui fait du Bruce Willis" ou "Tom Cruise qui fait du Tom Cruise". Les premiers rôles du film sont interprétés avec brio par Guy Pearce dans le rôle de l'inspecteur vertueux, Jacki Weaver exceptionnelle en matriarche de la famille de truands et bien sûr James Frecheville, dans le rôle du "gentil" Joshua (mais est-il si gentil que ça ?). Et puis le film bénéficie aussi de son décor, l'Australie. Sérieux, ça fait du bien un film de gangsters qui ne se passe pas à NY ou LA.


En fin de compte, le film parle surtout de survie et d’adaptation (aka le règne animal) et de ce que ça signifie vraiment d'être le plus fort ou le plus faible, de faire le bien ou le mal. Si comme moi vous aimez les films de gangsters, celui-ci vaut vraiment le détour. Aprés, si j'ose émettre une petite réserve, le film est très lent, parfois trop lent (surtout dans sa première partie) et certaines scènes auraient mérité d'être raccourcies, voire coupées. En tout cas, David Michôd est un réalisateur prometteur et je vais m'empresser de regarder son second film The Rover, toujours avec Guy Pierce et avec le nouveau venu Robert Pattinson.

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le 22 mai 2022

Critique lue 72 fois

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lessthantod

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