Il y a des films comme ça, desquels tu n’attends pas spécialement grand-chose, mais que tu as quand même envie de voir et d’où tu ressors plutôt content, malgré un ou deux points négatifs : « C’était bien, mais… »


Et puis… des images, des sons, parfois des scènes complètes te reviennent en tête à peu près n’importe quand. Tu lances la BO et tu revois ce bus, rempli de jeunes « paumés », tentant de chercher un sens à leur vie, en se regroupant, en marge d’une société dans laquelle ils ne pensent pas pouvoir évoluer comme elle le voudrait, ou parce qu’elle les empêche, justement, d’évoluer.
Alors, j’ai envie d’écrire quelque chose, même si je ne sais pas vraiment quoi écrire, et encore moins si j’ai quelque chose d’intelligent ou d’intéressant à dire.


American Honey embarque le spectateur à travers les routes américaines et le fait passer (ou bien juste moi ?) par des émotions variées, parfois contradictoires… sans doute à l’image des personnages, tous différents, tous particuliers, et dont on ne comprend pas toujours les (ré)actions ou les raisonnements, ou encore les motivations. Tous ont des plus ou moins grandes zones d’ombres, que le film n’expliquera pas forcement.


On passe de l’image d’une vie déprimante qui semble sans issues à celle d’une vie de voyages et de nouvelles rencontres, de changements constants… ce qui pourrait s’apparenter à une forme de bonheur, une vie en communauté entre des gens qui se ressemblent parce que justement ils sont différents, sillonner les routes sans réelles attaches, et avoir de l’argent (c’est un peu le but de leur truc). A un moment on peut croire passer d’un « film social » à un « roadtrip – feel good movie », du moins, en apparences. Et pourtant, tout n’est pas si rose (l’est-ce jamais ?).
On apprécie un personnage, l’instant d’après, on ne veut plus voir son visage.
On déteste un personnage dès les premières minutes, quelques instants plus tard, on se demande s’il n’y a pas plus à en comprendre.


On est, véritablement, au plus proche de ces personnages, ceci étant grandement aidé par le format carré de l’image, et la caméra souvent très rapprochée. Les images, les animaux, les insectes filmés sans magnifiques. Je n’ai vraiment pas une grande connaissance « technique » du cinéma, je suis plus dans le « ressenti », mais je peux dire que c’est vraiment bien réalisé.


American Honey dépeint des personnages en marge, je ne crois pas que le « public visé » puisse s’y reconnaitre, ni que ce soit le but. C’est une image d’une partie de la société, et plus généralement de la société qui ne permet pas à chacun d’avoir les mêmes chances… A plusieurs reprises, cette forme de « dualité » entre deux mondes plutôt opposés est démontrée, mais jamais ça ne tombe dans un cliché facile et inutile.


Je dois tout de même dire que la fin m’a un peu déçue, car le film ne propose pas de conclusion. Il pourrait même proposer une conclusion totalement ouverte, un évènement inachevé qui laisserait le spectateur imaginer lui-même plusieurs fins possibles. Au lieu de cela, les quelques dernières minutes ne montrent rien de neuf par rapport au reste du voyage, comme si tout était un éternel recommencement, qui semble, lui aussi, sans issue. Partir d’un monde paumé vers un autre monde… peut-être plus « ouvert », et donnant au moins l’impression d’avoir plus de possibilités, mais pas vraiment meilleur. Enfin, peut-être suis-je spécialement fataliste, et qu’il est possible d’y voir quelque chose de plus positif… On peut penser à une sorte de liberté, symbolisée par la tortue relâchée, mais je ne vois pas vraiment en quoi ce groupe de jeunes dirigé par une sorte de chef de gang/gourou a quoi que ce soit de "libre".


Notons les commentaires intéressants des quatre jeunes spectatrices devant moi au début et en fin de séance :
Début : à sa voisine : « je te préviens, j’adore faire des commentaires pendant les films ! »
Fin : « Trois heures pour ça ?! »

Anyore
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le 9 févr. 2017

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Anyore

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