En ces temps de sucreries dégoulinantes, de scénarii asexués, aseptisés et lobotomisés, il y a une chose qu’on ne peut pas reprocher au film de J.C. Chandor, déjà remarqué –pour de bonnes ou mauvaises raisons- pour Margin Call: cette chose est le parti prix de la radicalité.


Une unité de lieu, un personnage, dix mots de dialogues, zéro élément de background.
On peut, de ce point de vue, saluer un exercice dépecé jusqu’à l’os, dénué de tout ce qui peut, dans 99.99% des autres cas, apporter une pointe de confort, d’enrobage (camouflage ?) ou de facilité.


Tirer le marin du feu


Cela suffit-il a constituer un bon, voir grand film ?
C’est là où je me montrerais un chouia circonspect. Dans de telles conditions de dépouillement, la facilité, l’approximation ressort comme un furoncle turgescent sur le cul d’une vierge pâle ne s’étant encore jamais exposée au soleil. Si un ou deux détails m’ont semblé suspects (pire que lèche-cul), mes compétences maritimes, proche de l’humour d‘un témoin de Jéhovah, ne me permettent aucune assertion péremptoire.


Par contre, pour avoir essayé de retourner une piscine gonflable dans laquelle stagnait l’équivalent de trois bouteilles éventées, du haut de mes 90 kilos bien tassés (sec et au réveil), solidement campés sur un bout de gazon famélique, je peux affirmer avec véhémence que retourner un canot de sauvetage submergé , alors qu’on barbotte soi-même dans 165 250 000 km2 de flotte salée comme le dessus de la paume d’un mexicain avant l’administration de sa dixième Tequila, relève du domaine de l’impossible.


Bob l’éponge


Impossible de passer sous silence la performance de notre vieux Robert (Bob le rouge gué) qui incarne un vieil anglo-saxon tenace mais faillible avec une maestria mutique impressionnante (je crois moi, qu’en de telles circonstances, j’aurai passé mes journées et mes nuits à blablater de manière incontinente pour tenter de me rassurer) qui ne cache rien du poids de ses 77 étés assumés.


Dernier (bon) point, une scène finale suffisamment énigmatique pour permettre une interprétation, salutaire dans ce genre de récit binaire (s’en sortira ? S’en sortira pas?), qui conclue comme il se doit un film relativement atypique qui mérite absolument d’être vu.


D’une manière ou d’une autre, à 77 ans, on peut estimer qu’on ne perd pas son corps tôt, au bout de cette ballade de la mer salée.

guyness

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