Quelque-part dans le gouffre stellaire, un vaisseau au look de soutier militaire trace silencieusement son chemin de retour vers la terre. A son bord, quatre passagers au long cours, dont un être artificiel endommagé, dorment profondément dans leur caisson cryogénique d'un sommeil sans rêve. Un cinquième passager clandestin vient de venir au monde et cherche déjà à assouvir sa seule raison d'être. La menace tentaculaire a très vite repéré ses proies, endormies, inconscientes, vulnérables. Une saignée acide de la créature suffit à dissoudre le verre d'un des tubes, permettant au nouveau né de profiter du sommeil d'un des passagers pour engendrer en lui sa descendance souveraine. Sitôt après un incendie se déclenche poussant l'ordinateur de bord du Sulaco à préserver les quatre dormeurs. Tandis que des choeurs et des cuivres angoissants résonnent en une mélopée funeste, les caissons cryogéniques sont aussitôt envoyés dans une navette de secours qui ne tarde pas à être propulsée hors du vaisseau, en partance pour la planète coloniale la plus proche. Sur Fiorina 161, un promeneur solitaire, tout à ses pensées et vêtu d'un long cache-poussière, brave les vents violents dans un paysage désolé, hanté par les silhouettes de quelques épaves industrielles. Alors qu'il contemple le rivage bordant l'océan sinistre de cet astre désolé, il aperçoit l'épave d'une navette abîmée en mer, puis le corps d'une femme échouée sur la plage...


C'est par ce prologue particulièrement sordide, hanté par les choeurs fantômatiques du Agnus Dei de Elliot Goldenthal (qui avec Interview with a vampire signait ici son meilleur score), que débute le troisième opus de la franchise Alien, suite directe et mal-aimée du formidable space opera guerrier de Cameron. Six années séparent le second opus du film de Fincher, six années durant lesquelles le projet d'un troisième film s'embourba dans le development hell. Etonnant quand on sait qu'Aliens cartonna au box-office et rassura du même coup les producteurs quant à la rentabilité de la franchise. Pourtant si l'ampleur contextuelle du film de Cameron semblait permettre de nombreuses perspectives narratives, sa conclusion clôturait de manière magistrale l'arc narratif de Ellen Ripley. Alors que l'explosion cataclysmique du processeur atmosphérique avait de toute évidence éradiqué la menace xenomorphe, soufflant probablement le Derelic au passage (quoique bon nombre de comics et jeux vidéos convoqueront à nouveau la monstrueuse épave bien après les événements de Aliens), Ripley se découvrait en bout de course une fille de substitution et un compagnon potentiel. Comment poursuivre alors la saga ?


De nombreux développements restaient encore possibles dont l'un des plus évidents était un retour sur l'espèce du space jockey et sur ses liens avec les xenomorphes (Scott s'en chargera tardivement avec son Prometheus et le futur Covenant). De même, la cupide Compagnie et ses nombreuses ramifications ne pouvait décidément en rester là. Et pourquoi pas abandonner le personnage de Ripley pour mettre en avant de tous nouveaux protagonistes ? Autant de pistes développées par les réalisateurs et scénaristes successifs (Eric Reid, David Twohy, William Gibson, Vincent Ward) et qui se heurtèrent finalement toutes au refus des producteurs dont un Walter Hill particulièrement capricieux parce que pris à la gorge par un grand studio de plus en plus impatient. Au final, c'est lui qui rédigea le traitement final à partir d'une idée prétexte (d'où vient l'oeuf caché dans le Sulaco ?), recyclant au passage bon nombre d'éléments des précédents scénarios (le pénitencier de l'espace, les analogies religieuses, l'hybride alien... des idées également exploitées par le script de Josh Whedon pour Alien Resurrection, lequel pompa d'ailleurs une grande partie du climax imaginé par David Twohy pour Alien 3). Si les décisionnaires de la Fox imposèrent le retour de Ripley comme héroïne de ce troisième opus, Sigourney Weaver, alors désireuse de tourner la page, accepta de rempiler à la condition sinequanone que son personnage y soit sacrifié. A charge au jeune David Fincher de réaliser un film dont la sortie est déjà fixée avant même son arrivée sur le projet et dont le scénario n'est même pas finalisé. Désireux de garder un certain contrôle sur le développement de ce troisième opus, Walter Hill et ses associés, David Giler et Gordon Carroll, voient à tort en David Fincher, dont c'est le premier long-métrage, le candidat idéal pour mettre en images le film qu'on lui dirait de faire. Sauf que Fincher n'a rien d'un yes man semblable à la majorité des réalisateurs hollywoodiens actuels. A 29 berges, le jeune homme est déjà un pubard et un clippeur réputé, propriétaire de sa propre boîte de prod, perfectionniste dans l'âme et déjà millionnaire. Lorsqu'on lui offre l'opportunité de réaliser son premier long-métrage, Fincher ne se fait pourtant pas prier, d'autant qu'il voit là l'occasion d'apporter sa propre vision d'un univers cinématographique qui l'a toujours fasciné et de le nourrir de ses propres obsessions. Son Alien 3, il le conçoit dès le départ comme une oeuvre désespérée, exhalant des thématiques (la solitude, la marginalité, l'aliénation mentale, la misogynie, la mort...) qui hanteront toute sa filmographie future. Des obsessions et des figures récurrentes que l'on retrouve de manière évidente dans ce troisième opus mais qui n'empêcheront pourtant pas le cinéaste de renier à demi-mot cette première oeuvre, notamment à cause de la tension vécue par le jeune homme lors du tournage (il ne s'entendit que très peu avec l'équipe technique) et du refus des producteurs de lui confier le montage final (c'est finalement Walter Hill qui définit le montage cinéma, occultant de nombreuses scènes tournées par Fincher dont on peut désormais avoir un aperçu dans l'extended cut du film). Ajoutez à cela que Fincher n'a jamais eu le dernier mot sur le choix du casting ainsi que sur les effets spéciaux (appelé à travailler sur le film, H.R. Giger fut finalement débarqué par la production). Une succession de problèmes et de conflits artistiques qui dégoûtèrent le cinéaste au point que celui-ci claqua la porte dès le lendemain du dernier jour de tournage, jurant alors de ne plus jamais travailler pour la Fox. Des propos tenus sur le coup de la colère et qui n'empêchèrent pas le cinéaste de collaborer à nouveau avec le grand studio, dès qu'il commença à prendre un peu plus d'importance au près du public et des critiques (Fight Club). Mais cette première expérience fut telle qu'il refusa toujours jusqu'à aujourd'hui de revenir de près ou de loin sur cette oeuvre maudite.


A sa sortie, Alien 3 fut considéré comme un semi-échec critique et public (le four du film sur le sol américain fut à peine contrebalancé par son exploitation internationale), la plupart des fans d'hier, et encore d'aujourd'hui, considérant le film comme une trahison pure et simple de celui de Cameron. Et il est vrai qu'en seulement cinq minutes de son exposition, l'intrigue de Alien 3 contredit tout le dernier acte du second opus, le sauvetage de Hicks puis de Newt s'avérant finalement inutile. Là où au début des 90's, nombre de comics extrapolaient l'univers guerrier de Cameron, convoquant parfois les personnages de Hicks et de Newt comme nouvelles figures héroïques (Guerre pour la Terre de Kieth et Verheiden), Fincher préféra plutôt débarrasser son film des réminiscences belliqueuses de l'oeuvre de son prédécesseur (ici les personnages n'ont pas la moindre pétoire pour se défendre du monstre) pour renouer avec l'horreur intime et viscérale du chef d'oeuvre de Ridley Scott (lequel, ô ironie, n'a jamais caché ne pas aimer le troisième opus).


Animé par un perfectionnisme sans concession et un sens inné de l'esthétisme, David Fincher imposait déjà dans Alien 3 son style visuel si particulier tant au niveau des couleurs (usage du fameux filtre jaune conférant cette ambiance ocre devenue une composante de sa filmographie) que des cadrages, atypiques pour l'époque. Cela se traduit tout d'abord à l'image par la mise en valeur d'une atmosphère et d'une unité de lieu hautement dépressive. Exilée aux confins de l'univers, la colonie carcérale de Fiorina 161 nous est montrée comme une succession de coursives métalliques et de salles désertées, dévorée par la rouille et l'humidité et continuellement fouettée par d'éprouvantes tempêtes. L'architecture délétère de cette colonie quasi-défunte accentue pour beaucoup le sentiment absolu d'abandon et de déréliction, tout semble y être voué à la mort et à l'oubli comme en témoigne non seulement les pensionnaires de l'endroit mais aussi le cadavre-épave de Bishop, abandonné au milieu d'un tas d'ordures. Les derniers occupants des lieux, tous d'anciens criminels, meurtriers et violeurs, ont choisi de rester sur place pour se préserver de toute tentation homicide ainsi que d'une société humaine à laquelle ils n'appartiennent plus et qui se trouve désormais bien trop loin pour eux. Réunis par un même fanatisme religieux en vue de faire pénitence de leurs crimes passés, ces marginaux n'ont simplement plus qu'à attendre que la mort viennent les chercher à tour de rôle dans leur exil. Une faucheuse qui prend à leurs yeux des airs de dragon mythique, créature monstrueuse devenant l'expression de leur propre folie. D'où cette manière qu'a Fincher de sublimer chaque intervention meurtrière du xenomorphe. D'une violence inouïe ces agressions inattendues relèguent un temps la créature au champ de l'indicible (voir son ombre emplissant l'arrière-plan derrière Clemens et l'expression de terreur sur le visage de Golic), Fincher renouant ainsi parfaitement avec l'horreur lovecraftienne qui faisait toute la force du film de Scott. Quand il choisit de nous révéler pleinement le monstre c'est lors d'un face-à-face ambigu entre celui-ci et l'héroïne. Pas un hasard donc, si son design se charge ici à nouveau de la même symbolique maternelle et sexuelle du premier opus (au passage quasiment disparue dans le film de Cameron, excepté la Reine), le cinéaste ayant eu la bonne idée de supprimer les protubérances nervurées des créatures de Cameron. Plus bestial et rapide qu'à l'accoutumée (puisque né des entrailles de la bête), l'Alien de Fincher gagne non seulement en caractère ("il refuse de me tuer" dira Ripley à Dillon) mais aussi en rapidité et en liberté de mouvements. Des capacités que Fincher accentuera dans le dernier acte du film par des parti-pris visuels plutôt audacieux pour l'époque, notamment dans cette succession de travellings rotatifs et frénétiques en vue subjective figurant la partie de chasse finale dans les coursives exiguës de la fonderie.


Face à la bête, Ripley acquiert une toute nouvelle dimension. Dans le 8ème passager, elle comptait parmi les enfants du Nostromo, prisonnière in utero à bord d'un vaisseau-mère "Mother" et luttant contre un 8ème passager, par ailleurs fils préféré, qui n'avait de cesse d'éradiquer ses rivaux. Dans Aliens, Cameron opérait la transformation de Ripley en figure maternelle endeuillée, trouvant au milieu du chaos une fille d'adoption pour laquelle elle se plaçait finalement d'égal à égal avec l'autre figure matriarcale du film. Un traitement auquel s'oppose de plein fouet l'approche dépressive de Fincher, qui consiste à mettre en scène l'échec de cette tentative de reconstruction, en supprimant dès son exposition, deux des trois composantes de la famille recomposée voulue par Cameron. Ayant perdu ses derniers repères affectifs, Ripley fait alors une fois de plus le deuil difficile de la maternité pour s'accomplir finalement en tant que femme et vivre une liaison avec Clemens, le médecin de la colonie. Interprété par Charles Dance (excellent acteur, hélas trop souvent sous-employé), ce dernier personnage est finalement recyclé d'un autre dans la précédente version écrite par Vincent Ward. Ancien médecin et prisonnier, Clemens nous est présenté comme un homme pragmatique et désabusé, hanté par ses propres fantômes. Son statut d'amant (le seul amant connu de Ripley) n'en fait pas pour autant un confident privilégié. L'estime que lui porte Ripley, la pousse à lui cacher obstinément les raisons de ses craintes par peur que celui-ci la prenne pour une folle. Pourtant quand les responsables de la colonie se bornent à ne voir dans les premières victimes de la créature que des morts accidentelles, Clemens soupçonne une toute autre cause. Le premier acte du film en fait d'ailleurs un des principaux référents du spectateur. D'autant que son long monologue dans lequel il confie à Ripley son passé lui confère une dimension tragique auquel ne peut que répondre l'empathie du spectateur. C'est pourtant au terme de ce monologue, promesse trompeuse d'une plus grande importance de Clemens dans la suite du récit, que Fincher décide contre toute attente de sacrifier cruellement le personnage, alors dernier appui de Ripley. Les actes du monstre poursuivent donc l'héroïne jusqu'à lui arracher tous ses repères affectifs. Au point de la condamner à la solitude la plus absolue, parmi une population carcérale hostile et exclusivement masculine, derniers représentants d'une humanité au bord du gouffre.


En cela, son statut renvoie clairement à celui du xenomorphe-vedette de Alien 3. Exilés sur la même planète inconnue, derniers représentants d'une lutte des espèces passée, les deux personnages se répondent finalement l'un à l'autre. Tous deux deviennent ici chacun à leur façon des intrus, semblables sur bien des points au huitième passager de Scott. A la différence que l'un nourrit encore quelque espoir quant à son espèce là où l'autre perd progressivement toute attache avec ses congénères. Le fait que Ripley soit la seule femme de la colonie finit d'isoler complètement le personnage, lequel doit alors faire face à la misogynie ambiante. Au milieu des bagnards puis à leur tête, Ripley n'a plus qu'à se marginaliser jusqu'à se tondre volontairement le crâne (autre constante des personnages rebelles de Fincher) et devenir une créature androgyne, écrasant par son seul charisme tous ses compagnons. Las et fatiguée, mais impressionnante de détermination, elle ne tardera pas à s'imposer comme le leader d'un groupe uniforme et sectaire (première esquisse du club formé plus tard par Tyler Durden) dans lequel hommes et femme se confondent dans une même lutte pour la survie. Son antagonisme intime avec la bête la rapprochera d'autant plus de ses éternels adversaires, qu'elle deviendra elle-même le principal enjeu du film. Portant dans ses entrailles la promesse du renouveau de l'espèce qu'elle s'est toujours acharné à combattre, Ripley est alors confrontée au choix de son propre sacrifice et doit alors livrer un ultime combat pour sauver une espèce humaine, pourtant au seuil de l'extinction.


Une humanité sur laquelle le jeune Fincher porte un regard fortement dépressif, plus encore que ses prédécesseurs. Dans son film, l'espèce humaine se résume soit à quelques inadaptés réfrénant hypocritement leurs pulsions par la crainte d'un dieu vengeur, soit par des émissaires cupides et trompeurs, tout entiers tournés vers le profit. Au-delà de la Compagnie Weyland-Yutani et sa détermination insensément suicidaire à vouloir s'approprier la créature, on retrouve d'ailleurs déjà ici toutes le composantes et les thèmes chers qui nourriront plus tard la vision nihiliste du réalisateur, dont en particulier cette fascination évidente pour le Mal et ceux qui s'en font les représentants. Cela passe tout d'abord bien entendu par la figure symbolique du xenomorphe, par ailleurs seule créature fantastique de la mythologie fincherienne. Débarrassé de toute hiérarchie sociale mais redevenu ici une créature solitaire, le xenomorphe reconquiert son statut de corps étranger, un monstre indicible qui envahit la société des hommes et construit son nid parasite au sein-même des fondations pourries d'une bâtisse fantôme. Mieux encore, alors qu'il perturbe et menace une confrérie d'illuminés vouant un culte dissident au dieu chrétien, le xenomorphe prend aux yeux de ceux-ci les atours d'un véritable monstre mythologique, notamment après que l'un d'eux, témoin miraculé d'un massacre perpétré par la bête, qualifie celle-ci de dragon. Ou comment châtier la lie de l'humanité par le pire représentant du diable, les dégénérés les plus incurables se retrouvant ainsi tous liés par une même peur du Mal absolu.


Outre la figure symbolique du xenomorphe, les préoccupations de Fincher passent aussi et surtout par cette population carcérale, pétrie de pulsions morbides et inassouvies. Véritables rebuts de l'humanité, pour la plupart tous aussi fous et vindicatifs les uns que les autres puisque tous affublés d'un double chromosome Y (ce qui dans la vie réelle n'a absolument rien d'une tare), les pensionnaires de la colonie Fury ont choisi de rester à l'écart de la civilisation afin de se préserver de la tentation du Mal, regroupés en une sorte de confrérie autour d'une foi commune en l'imminence de l'Apocalypse. Leur unique espoir réside dans l'attente d'une rédemption quelconque, obtenue par l'acte de foi et la pénitence. A leur tête, se distingue le gourou Dillon (Charles S.Dutton), ancien violeur et assassin, ici unique représentant de Dieu. Un personnage foncièrement ambivalent à travers lequel Fincher met à mal (une première fois, remember John Doe) l'image divine pour mieux insister sur son absence et sur la dégénérescence de ceux qui prétendent encore y croire et s'en faire les porte-paroles. Non pas que Fincher n'y croit pas lui-même (je n'en sais rien en fait), la religion s'exprimant tout au long de son oeuvre par le biais des notions de Mal, de tentation, de péché originel et de chute. Soit tout ce qu'on retrouve déjà ici dans la trajectoire désespérée de Ripley, laquelle conquiert progressivement un statut messianique, décuplé par son sacrifice final.


Cerné par les ténèbres et la folie des hommes, portant en son sein la promesse de l'extinction humaine, Ripley, seule femme de cet univers de cauchemar, décide finalement de s'abandonner à la mort, son corps disparaissant au milieu d'un torrent de flammes, au tréfonds d'une fonderie dans laquelle avaient auparavant disparu les corps emmaillotés de Hicks et de Newt. Ce sacrifice prend une valeur d'autant plus symbolique et définitive qu'il aurait pu conclure de manière magistrale et très audacieuse, sinon la saga au moins la trajectoire de Ripley. Il répond surtout à une composante de l'oeuvre à venir de Fincher, à savoir que la liberté ne s'acquiert que par le deuil de toute chose. Ici Ripley n'a plus aucune raison de tourner le dos à la mort, elle se livre à ses bras en emportant son ultime descendance avec elle. Le sacrifice du héros fincherien ne sera pourtant que très rarement aussi définitif et fataliste, à la tentative de suicide du narrateur de Fight Club et du héros de The Game répondra l'acte de renaissance inattendu et libérateur. Mais pas pour Ripley (chez Fincher en tout cas), celle-ci restant encore aujourd'hui la figure la plus tragique et symbolique de l'oeuvre du cinéaste.


Alors certes, Alien 3 n'est pas dénué de défauts. Ses quelques raccourcis narratifs et ses coupes évidentes (where is Golic ?) témoignent encore du formidable brouillon qu'il représente. Il suffira d'ailleurs de se livrer à un petit comparatif entre la version cinéma et l'extended cut pour entrevoir la vision originale de Fincher et se rendre partiellement compte du travail de sape effectué par la Brandywine en post-prod, après des premières projections test décevantes. Le film de Fincher ayant été jugé trop nihiliste et choquant, Walter Hill et ses associés entreprirent en urgence de le remonter, coupant certaines séquences tout en en refilmant d'autres. Pour preuve, alors qu'elle durait près d'un quart d'heure sous l'objectif de Fincher, la scène des funérailles de Hicks et de Newt, filmée en parallèle avec la naissance du xenomorphe (s'extrayant alors du ventre d'un boeuf et nom d'un chien), fut alors ramenée à une poignée de minutes, la découverte du corps de Ripley sur le rivage (version que j'évoque d'ailleurs plus haut) fut ignorée, celle du super-facehugger aussi, de même que la mort de Golic qui devient pourtant déterminante dans l'extended cut. Plus remarquable encore est ce refus de Fincher de dévoiler en bout de course le "queen"chestburster, alors que la version cinéma, plus démonstrative, insiste en quelques plans sur sa naissance de dernière minute.


Ce remontage, apte à rassurer les financiers, n'empêcha pourtant pas le film de se vautrer au box-office, le public de l'époque étant alors très peu réceptif à la vision pessimiste de Fincher. Beaucoup de spectateurs d'alors, déçus de ne pas avoir assister à un Aliens 2, ne cachèrent pas leur mécontentement à la sortie du film et leurs critiques ciblèrent principalement le jeune cinéaste, dont la carrière hollywoodienne était alors plus que compromise. James Cameron lui-même y alla de sa vindicte, accablant le jeune réalisateur de reproches pour ne pas avoir donné de réelle suite à son film. Aujourd'hui encore, Alien 3 demeure l'opus le plus mal-aimé de la saga, alors qu'il se révèle bien plus cohérent et appliqué que sa dispensable suite Resurrection du "frenchy" Jeunet, laquelle mit d'ailleurs un coup d'arrêt brutal à la franchise (alors que sa fin, à contrario de celle d'Alien 3, appelait nécessairement une suite directe). Pour preuve, le futur cinquième opus esquissé par son réalisateur Neil Blomkamp, va jusqu'à nier l'existence de ce troisième opus (ainsi que du quatrième) en ré-employant le personnage vieillissant de Hicks, pourtant mort lors du prologue du film de Fincher.


Tant pis, le propre des grandes oeuvres est justement qu'elles sont souvent imparfaites et ne plaisent jamais à tout le monde. Récit sombre à plus d'un titre, aussi superbe et fascinant que quasiment orphelin, Alien 3 reste le film fondateur du cinéma de Fincher en plus d'être l'opus le plus pessimiste de la saga. Un chef d'oeuvre inachevé à la gloire d'un des plus grands monstres du 7ème art et de son éternelle adversaire et au terme duquel le mot fin aurait pu prendre son sens le plus grandiose et définitif. En attendant que d'autres personnages explorent les étoiles, bien plus tard, à la suite d'Ellen et de ses compagnons...

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le 4 juin 2016

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Buddy_Noone

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