Une première conclusion bancale mais méritante

Après le succès commercial et critique d’Aliens de James Cameron, que j’approuve pleinement, la franchise suit son chemin et c’est encore un autre réalisateur qui va en avoir la responsabilité : David Fincher, alors jeune et méconnu dans le milieu qui n’avait d’expérience que dans les clips musicaux et les courts-métrages. Ce n’était clairement pas le premier choix du studio et ça a bien plombé son travail puisqu’il a du s’adapter à une production qui avait déjà commencé et à des collaborateurs pas spécialement motivés, a t-il réussi à en ressortir quelque-chose d’aussi glorieux que ses prédécesseurs ? Certainement pas, vu la réputation controversée du film, mais il y a vraiment beaucoup de choses à en dire.


J’ai d’abord eu un soucis personnel avec le début du film à mon premier visionnage, ne supportant pas les choix scénaristiques faits vis-à-vis d’Aliens, comme James Cameron et Michael Biehn d’ailleurs, ce qui m’avait suffi à l’époque à ne pas du tout l’aimer. Quand on s’implique émotionnellement dans un récit et que sa suite directe choisit d’en faire table rase violemment pour passer à autre chose comme si de rien était, forcément ça pose problème. Avec le recul, je peux accepter ce parti pris mais il aurait fallu je pense mieux enrober les choses, amener un vrai contexte scénaristique développé pour que ça paraisse cohérent, et non bâclé, mettre en scène un minimum pour que ce soit impressionnant dans la forme, quittes à être désagréable dans le fond...


La direction artistique est aussi un choix assez radical, pour lequel on peut déjà être plus facilement favorable. L’univers carcéral dans lequel l’intrigue se concentrera témoigne tout de suite de l’aspect sombre et violent de l’esthétisme, tout comme le maquillage sur Ripley au crane rasé, particulièrement audacieux. Alien 3 fait partie d’une franchise on ne peut plus horrifique, une telle direction semble tout à fait appropriée et ça fait partie des éléments que j’ai su bien apprécier même si je préfère celle des autres films Alien, peut-être plus typiques de la science-fiction.


Par contre, ce qui serait plus typique ça serait le retour à des humains désarmés face à un seul Alien, comme un contre-pied à la suite de James Cameron multipliant Aliens et armes à feu, s’adressant peut-être aux amoureux du premier film avant tout, d’autant que le premier réalisateur pressenti pour ce film était Ridley Scott, ça bouclerait la boucle. Après tout ça s’entend, d’autant qu’ils vont même aller plus loin que dans Le huitième passager à mon sens en ne leur laissant même pas un lance-flammes mais des torches artisanales, un choix là encore osé et radical, apparemment poussé par Sigourney Weaver.


Ça illustre bien pourquoi je respecte ce film avec le recul même si je ne l’apprécie pas plus que ça, il prend des risques qui auraient pu être payants, il témoigne d’une vision d’auteur différente du précédent volet, il comprend de belles qualités... mais non seulement ce n’est pas ce qui me parle le plus, mais en plus ce n’est clairement pas aussi abouti que ça le devrait. David Fincher est le premier à l’affirmer, que ce soit la faute de la Fox ou non, le film n’est pas aussi fini qu’il l’aurait fallu et entre tous les changements qu’il y a eu au cours du projet et les ingérences extérieures, il ne considère même pas ce film comme faisant partie de sa filmographie.


On le sent dans le développement des personnages très léger, et la qualité des dialogues supplémentaires de la version longue n’arrange pas grand chose pour moi, dans le rythme assez irrégulier, surtout dans cette version longue censée corriger ce problème, dans des événements dramatiques qui au final n’amènent sur rien d’impactant... On ressent le problème au visionnage sans même connaître son histoire de tournage mais en même temps quand on la connaît on se dit que le film a le mérite de ne pas non plus être trop mal non plus, ce qui est assez particulier comme sentiment.


Déjà, une chose importante est qu’il ne s’accompagne pas de trop d’incohérences par rapport à la saga. Un xénomorphe né d’un autre hôte qu’un être humain, ça n’a rien d’invraisemblable et à aucun moment l’occasion s’est présenté à un facehugger dans les films Alien de parasiter autre chose qu’un être humain pour le contredire. Le temps de développement assez long de l’embryon Alien trouve une explication assez logique et amène des situations particulièrement originales où l’Alien n’est plus une menace comme il pouvait l’être systématiquement.


On a également quelques fulgurances de mise en scène, j’aime beaucoup par exemple la scène de l’incinération : le montage qui superpose les visages progressivement sur le travelling, le contraste entre l’aspect cérémonieux de la scène et la brutalité de l’apparition du xénomorphe, l’adéquation entre le moment où l’on se situe dans le discours et ce qui est montré à l’écran... J’aime bien aussi quand on voit le xénomorphe courir à toute vitesse en vue subjective en prenant appui sur les murs ou le plafond pour montrer justement toute son aisance à traquer ses victimes.


En parallèle, le casting est de nouveau portée par Sigourney Weaver qui a eu la gentillesse, certainement pas désintéressée, de continuer à interpréter son rôle d’Ellen Ripley et dès ses premières scènes, elle relève le niveau en constituant même à mon sens la première force du film. Charles Dance et Charles S. Dutton la secondent plutôt bien, mais le casting dans son ensemble n’est pas non plus exceptionnel, il fait simplement le taf et si l’actrice principale s’était désistée, comme elle l’avait prévu à la base, je pense que ça aurait été un désastre de plus.


Sans être un désastre, je ne suis pas super fan non plus des effets visuels et costumes du film, notamment concernant le xénomorphe en lui-même. Puisqu’il est issu d’un animal, il n’est pas tout à fait comme ses prédécesseurs, il est plus chétif et plus organique, et je trouve qu’il perd en charisme. Je le trouve même un peu ridicule dans certaines de ses animations ou il a l’air d’être surexcités là où le xénomorphe issu de l’humain est plus calme et posée dans ses déplacements. L’éclairage du film le rend aussi assez fluorescent par moment et je trouve que c’est ridicule, autant certains choix de couleurs peuvent bien aller sur les décors, autant sur la créatures ça ne va pas trop.


Sinon, pour terminer sur une note plus positive à propos de la réalisation, j’aime bien la composition musicale d’Elliot Goldenthal, qui n’avait pourtant pas une grande expérience jusqu’alors, et le mixage sonore qui l’exploite. Ça contribue très bien à l’ambiance horrifique générale, sur laquelle je n’ai pas grand chose à redire par ailleurs, et aux coups de pression qui peuvent survenir, pas du grand art mais au moins ça me paraît abouti et c’est à mon goût, ce qui est assez rare dans les points que j’aurais soulevé au cours de cette critique.


Si Alien 3 m’a beaucoup déçu à mon premier visionnage et si je n’arrive toujours pas à l’apprécier aujourd’hui de par ses partis pris et défauts, il a tout de même des forces à faire valoir, sa place logique dans la saga à laquelle il essaie d’apporter une vrai fin conclusive et il s’en sort pas si mal compte-tenu de ses nombreux boulets de tournage. C’est un sentiment assez mitigé que je lui porte mais comptant Alien Covenant dans la saga officielle, ce n’est plus l’épisode Alien que j’aime le moins car lui au moins a essayé des choses intéressantes et n’a pas nuit au mythe.

damon8671
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le 29 mars 2019

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